Nous présentons nos sincères condoléances
aux familles endeuillées
AFP AVEC
La France paie encore un lourd tribut en Afghanistan. Quatre soldats français appartenant à la force internationale de l'OTAN (Isaf), ont été tués vendredi par un militaire afghan. Au moins seize autres ont été blessés. "Le tireur présumé a été appréhendé", a indiqué l'Isaf dans un communiqué. D'après une source au sein des renseignements afghans, la fusillade s'est produite dans la vallée de Taghab, dans la province de Kapisa où stationne le contingent français. Ces nouveaux décès portent à 82 le nombre de militaires français morts dans ce pays depuis fin 2001.
CLIQUEZ SUR LE LIEN CI-DESSOUS PUIS SUR OUVRIR ET AUTORISER Ecouter 00:00:0000:01:09Pierre Julien | 20/01/2012 - 10h02 C'est un homme portant un uniforme afghan qui a ouvert le feu sur les soldats français dans la province de la Kapisa
"Un homme portant un uniforme afghan a ouvert le feu sur des Français, quatre ont été tués et seize blessés, ce matin vers 8 heures (locale, 3h30 GMT) dans le district de Tagab, dans la province de Kapisa", dont l'armée française a la charge, a indiqué un responsable des forces de sécurité afghanes.
Le périmètre de la base française de Tagab a depuis lors été circonscrit par l'armée française, et interdite d'accès aux forces de l'ordre afghanes, a indiqué une autre source sécuritaire.
Le 29 décembre, CLIQUEZ SUR LE LIEN : deux légionnaires français avaient été abattus délibérément par un soldat de l'Armée nationale afghane (ANA) dont ils assuraient la formation dans la province de Kapisa, au nord-est de Kaboul, région très infiltrée par la rébellion des talibans où se trouve la vallée de Tagab.
http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20120120.OBS9366/l-afghanisation-fragilisee.html
L’"Afghanisation" fragilisée
Par Jean-Paul Mari
Après la mort de quatre soldats français, l’opération qui consiste à passer le relais aux Afghans après le départ des troupes alliées à une force nationale apparaît fragilisée.
Et de deux. C’est la deuxième fois qu’un soldat de l’armée afghane tire et tue des soldats français. Cette fois, un homme portant l’uniforme de l’armée nationale afghane (ANA) a ouvert le feu au cours d’une séance d’entrainement au tir, apparemment dans le périmètre de la base militaire de Tagab, en Kapisa, au Nord-Est de Kaboul.
Constat :
Un "soldat" armé, à l’entrainement, une arme chargée à la main et qui la retourne vers ses instructeurs et les autres Français présents sur le champ de tir. Un insurgé, taliban, infiltré au cœur du dispositif.
Le bilan est très lourd : quatre soldats tués et seize autres blessés par une arme de guerre dont on connaît les ravages. Vingt hommes hors de combat. C’est lourd, très lourd. Et porte le bilan des pertes à 82 français tués depuis 2001. L’agresseur a été arrêté, le périmètre de la base a été interdit à l’armée afghane et toutes les opérations de formation et d’aide au combat ont été suspendues.
La première fois, le 29 décembre dernier, l’assaillant avait tué deux légionnaires avant d’être aussitôt abattu. Il faisait partie d’un "détachement permanent de l’ANA" posé sur une montagne de Kapisa. Ils avaient été rejoints par les militaires français pour mener une opération conjointe. A l’époque, le ministre de la Défense, Gérard Longuet, avait parlé "d’incident isolé». Ce n’est plus le cas.
Conclusion :
- L’armée française forme les soldats de l’armée afghane et mène des opérations conjointes.
- Parmi ces troupes, il y a des talibans qui espionnent, informent, sabotent les opérations et peuvent aller jusqu’à ouvrir le feu et tuer des soldats français, non pas seulement sur le champ de bataille, mais à l’intérieur de leur base militaire.
- L’armée afghane est infiltrée. Les combattants français ne peuvent plus avoir confiance dans les hommes qu’ils forment et qui combattent à leurs côtés.
- L’"Afghanisation", l’opération qui consiste à passer le relais aux Afghans après le départ des troupes alliées à une force nationale apparaît fragilisée.
- La vraie question est de savoir combien de temps une force dans cet état, dont la motivation est ...inégale, déjà infiltrée par les talibans capables de mener des actions meurtrières contre les soldats français, bref, combien de temps cette armée là va résister aux talibans une fois les alliés partis.
Comme seule réponse obligée, le président français a posé la question d’un "retour anticipé des troupes françaises". A quatre vingt-treize jours de l’élection présidentielle, cela ressemble à un dernier effet d’annonce.
http://www.reseau-ipam.org/spip.php?article1478
De l’Algérie à l’Afghanistan un article écrit en 2008
Par Emmanuel Terray le 19 septembre 2008
Les personnes, qui ont eu comme moi vingt ans en 1955, ne peuvent manquer d’être frappées par l’extraordinaire ressemblance qui existe entre les discours tenus à cette époque pour justifier la guerre en Algérie et la rhétorique utilisée aujourd’hui par les promoteurs de la guerre en Afghanistan.
À présent comme autrefois, ce sont « nos valeurs » que nous défendons sur le terrain, nos valeurs et non pas celles des Algériens ni celles des Afghans. Pourquoi les défendions-nous, hier, en Algérie et non pas en Afrique du Sud ? Pourquoi les défendons-nous, aujourd’hui, en Afghanistan et non pas en Tchétchénie ? Chacun voit bien que, dans les deux cas, « nos valeurs » ne sont qu’un prétexte masquant d’autres desseins.
Le sort de la liberté du monde se décide pour une part en Afghanistan, proclame M. Sarkozy. Pareillement, nous assurait-on, c’est l’existence même de la France qui se jouait en Algérie, et il était « évident » que la France ne survivrait pas à la perte de sa colonie.
Les Afghans ont un gouvernement « démocratiquement » élu, et en face de celui-ci, les taliban ne sont que d’abominables terroristes ? La France aussi avait « organisé », c’est le cas de le dire, des élections en Algérie, et elle défendait là-bas « le suffrage universel » contre les poseurs de bombes du Milk-bar et du Casino de la Corniche. Quant à « l’armée afghane », elle n’est guère qu’une pâle reconstitution des malheureux harki, et selon toute probabilité, elle est promise au même sort qu’eux.
Nous luttons en Afghanistan contre le fanatisme et l’obscurantisme ? J’entends encore Pierre Commin, alors secrétaire général de la SFIO, expliquer aux étudiants socialistes dont j’étais, qu’en Algérie l’armée française soutenait la cause de la laïcité contre un islam archaïque et borné. Au surplus, cette argumentation donne rétroactivement raison aux Soviétiques et à leurs alliés, qui se servaient des mêmes prétextes pour justifier leur invasion de l’Afghanistan en 1979 : chacun se souvient de Georges Marchais et de sa condamnation du « droit de cuissage » qui sévissait selon lui dans ce pays.
Dans ce registre, une place particulière est accordée au sort des femmes afghanes ; on se rappelle qu’en Algérie, l’émancipation de la femme était également à l’ordre du jour, et qu’en mai 1958, par exemple, plusieurs centaines de femmes musulmanes, solidement encadrées par l’armée française, s’étaient dépouillées de leur voile sur le forum d’Alger, au cours d’une cérémonie présidée par le général Massu. Dans les deux cas, le pire service qui puisse être rendu à la cause des femmes, c’est qu’elle soit prise en charge par une armée d’occupation.
La résistance afghane est animée de l’extérieur par les combattants d’Al-Qaïda, et elle bénéficie d’un sanctuaire dans les zones tribales du Pakistan ? De même, au moins à en croire Guy Mollet, c’étaient Nasser et l’Egypte qui suscitaient du dehors la « rébellion » algérienne, et celle-ci ne se prolongeait que grâce aux bases dont elle disposait en Tunisie.
Il s’agit aujourd’hui de « conquérir le cœur des populations » en construisant des routes, des écoles, des dispensaires, etc. On croirait entendre les inventeurs du célèbre « plan de Constantine » qui prétendait par les mêmes moyens arracher les populations d’Algérie à l’emprise du F.L.N. De même, on veut aujourd’hui séparer les taliban des Afghans, en oubliant que les taliban sont des Afghans.
Enfin, bien entendu, nous ne faisons pas la guerre en Afghanistan ; nous ne la faisions pas non plus en Algérie et la seule différence est qu’à présent, le mot de « sécurisation » a remplacé celui de « pacification ». En tenant de tels propos, je m’attends à me voir accuser de « saper le moral de l’armée » et de « poignarder nos soldats dans le dos » ; c’était déjà le cas entre 1955 et 1962. Mais la solidarité avec nos soldats consiste, non pas à les engager dans une aventure sans issue, mais à mettre un terme à celle-ci. Ces reproches ne font que mettre au jour une ultime ressemblance : en Afghanistan comme en Algérie, nos soldats ne font que payer de leur sang l’aveuglement et la lâcheté de nos dirigeants politiques.
Alors, que faire ? Aujourd’hui comme hier, nous retirer d’une guerre qui n’est en rien la nôtre et dont chacun sait qu’elle est d’ores et déjà perdue. S’ils doivent se libérer, les hommes et les femmes d’Afghanistan se libéreront eux-mêmes, et nul ne saurait le faire à leur place, surtout pas une armée d’occupation. Pour s’en assurer, il aurait suffi de relire Robespierre (discours contre la guerre, 1792) : « La plus extravagante idée qui puisse naître dans la tête d’un politique est de croire qu’il suffise à un peuple d’entrer à main armée chez un peuple étranger pour lui faire adopter ses lois et sa constitution. Personne n’aime les missionnaires armés ».
Emmanuel Terray Directeur d’études à l’EHESS
"On ne va pas retirer les troupes parce qu’il y a une élection dans deux mois" (père d'un soldat tué en 2008)
Le samedi 21 Janvier 2012
Jean-François Buil est le père de Damien Buil, mort dans une embuscade en août 2008 en Afghanistan. "Je suis écœuré de voir ça. Il faut arrêter le massacre. Mais on a une mission à finir. Tout ce qui pourra être dit en ce qui concerne le départ des Français, c'est purement électoraliste".
"Les troupes étrangères en
Afghanistan sont perçues comme
des troupes
d’occupation" (spécialiste)
Le samedi 21 Janvier 2012
Les Talibans ont revendiqué ce matin le meurtre des quatre soldats français tués hier en Afghanistan. Mais l'auteur des tirs, un Afghan vêtu d'un uniforme de l'armée locale, a-t-il vraiment agi au nom de ce groupe? Ou s'agit-il d'un geste isolé? Ce qui est sûr selon Mariam Abou-Zahab, chercheure spécialiste de l'Afghanistan, c'est que le rejet des troupes occidentales se généralise dans la population.
Pour écouter : cliquez sur chaque lien, ouvrir, autoriser
00:00:1400:01:46 Serge Pueyo | 21/01/2012 - 15h22
Serge Pueyo | 21/01/2012 - 15h07 Jessica, la compagne de l'un des soldats tués vendredi : "Je suis perdue. Ils n'ont rien à faire là-bas, aucune famille ne doit plus vivre ça". Ecoutez son témoignage en intégralité
Christophe Ponzio | 21/01/2012 - 10h01 Gisèle, dont le fils a combattu en Afghanistan jusqu'en 2010, a ouvert un blog pour se battre contre cette "guerre inutile"
Patrick Tejero | 21/01/2012 - 10h24 Malgré la douleur, certaines familles ne réclament pas le retour immédiat des troupes françaises, qui font leur travail "en héros"
Serge Pueyo | 21/01/2012 - 09h13 "Tout le monde aimerait qu'ils rentrent en vie, et pas dans une boîte". A Varces, qui accueille le régiment auquel appartenaient 3 des 4 soldats tués, la peine se tranforme souvent en colère
"Aucune famille ne doit plus vivre ça"
"Geoffrey était quelqu'un d’exceptionnel, il aimait sa famille, sa fille, il aimait la vie, confie son épouse Jessica, littéralement anéantie. C'était sa première mission en Afghanistan, sa petite fille de 14 mois ne reverra plus jamais son papa, c'est une partie de moi qui est partie aussi".
Elle en appelle désormais au gouvernement, car "plus aucune famille ne doit vivre ça". "Il faut qu'il (Nicolas Sarkozy) fasse rentrer tous ces militaires, ils n'ont rien à faire là-bas, il ne peut pas les laisser. Ils n'ont qu'à les (les Afghans) laisser entre eux se débrouiller. Je serais curieuse de savoir si les hommes politiques enverraient leurs propres enfants."
"La haine contre Sarkozy, contre ces gens"
La sœur de Geoffrey, Alison, est tout aussi effondrée, mais encore plus virulente face aux responsables, selon elle, de la mort de Geoffrey et des ses compagnons d'armes. "J'ai la haine, mon frère aurait dû rentrer dans trois semaines, il aurait dû être là avec nous. J'ai la haine contre le gouvernement, contre tous ces gens, ils ne savent pas ce que ça fait...".
Avant de se montrer encore plus accusatrice : "Je veux dire au président (Sarkozy) que c'est de sa faute si mon frère est décédé. Qu'il enlève tous ces jeunes, tous ces maris, tous ces fils de là-bas, et tout de suite, qu'il n'attende pas 2014".
Émotion partout en France
Dans l'Isère aussi, l'émotion est grande : trois des quatre soldats appartenaient au 93ème Régiment d'Artillerie de Montagne de Varces. Un régiment qui représente un peu le poumon de cette petite commune de 6.000 habitants, où le choc y est ressenti violemment. Ils sont désormais nombreux à qualifier cette guerre d'"inutile", et à réclamer le retrait immédiat des troupes françaises d'Afghanistan.