Camille Lepage (DR)
Camille Lepage, la jeune photoreporter française assassinée la semaine dernière en Centrafrique... « Elle s’est illustrée par son courage ». Nous présentons à sa famille nos plus sincères condoléances.
Michel Dandelot
Dieppe : La guerre d'Algérie vue
par un journaliste
© France 3 Normandie
La médiathèque de Dieppe a présenté en 2012
les photographies et souvenirs
de Pierre Verbraeken
"Appelé en Algérie, mémoires d'une guerre", c'est le nom de cette exposition présentée en mars 2012 à la médiathèque Jean Renoir à Dieppe. C'est un journaliste Dieppois qui se livre. 50 ans après la fin de la guerre d'Algérie. Il avait 24 ans lorsqu'il fut appelé.
Pierre Verbraeken, ancien rédacteur en chef des Informations Dieppoises, était déjà journaliste lorsqu'il arriva en Algérie. L'armée l'affecta dans un service dédié à la communication. A l'époque "compagnie des hauts-parleurs et des tracts".
Il fut aussi photographe au service de l'Armée. Ses clichés servaient la "propagande", des souvenirs douloureux.
Une photographie de P. Verbraeken
La fin de la guerre d'Algérie vue
par les journalistes sur place
Il fallait une bonne dose de courage aux journalistes, il y a tout juste 52 ans, pour faire leur métier, comme en attestent les archives d'époque
Rédigé par Daniel Lesueur
Au début des années soixante, c'est en Afrique du Nord que l'on trouve le plus d'envoyés spéciaux français, qui souvent foncent au casse-pipes pour être les premiers à annoncer une information d'importance.
Dimanche 18 mars 1962
Le cessez-le-feu est conclu après sept ans de guerre. Mais les médias restent sceptiques. Les armes se tairont-elles vraiment ?
"La paix fait rage en Algérie", déclare Jean Grandmougin au micro de Radio Luxembourg.
Radio Luxembourg, Europe 1 et la R.T.F. restent
sur le qui-vive
Euloge Boissonade est à Oran, Alain Jérôme et Jean-Pierre Farkas à Alger, Christiane Givry à Oran. Pas question de faire déjà revenir les reporters en métropole.. où, d'ailleurs, ils ne sont pas plus en sécurité : souvent soupçonnés de sympathie pour l'O.A.S. ou pour le F.L.N., ils subissent des pressions, des menaces. L'O.A.S. a plastiqué l'appartement d'Alain Raymond et jure d'assassiner Julien Besançon, qui se voit désormais affublé de gardes du corps.
Le 22 mars, une fusillade éclate dans les rues d'Alger
Julien Besançon est au centre des échauffourées et envoie à minuit dix un flash spécial : on a tiré au revolver sur le journaliste Alain Jérôme et sur les bureaux d'Europe N°1. Au péril de sa vie, Besançon, essoufflé, commente les évènements. La situation allait-elle se calmer lorsque, le 25 mars, on apprenait la capture du général Jouhaud et son transfert à la prison de la Santé ? Au contraire !
Le 26 mars, c'est l'apocalypse
Rue d'Isly, à Alger, on dénombrera 46 morts et 200 blessés. C'est une guerre franco-française qui succède à la signature des accords d'Evian qui avait marqué la fin de la guerre franco-algérienne. A 14 heures, un cortège pacifique s'était ébranlé en direction de Bab El-Oued ; rue d'Isly il se heurte à un cordon de soldats. A 14h30 éclatent les premiers coups de feu d'armes automatiques. Pour Europe N°1, René Duval, couché à terre, enregistre le bruit des balles qui sifflent de toutes parts ; il est 14h40, et le document sera diffusé au flash de 17h. pour Luxembourg, Jean-Pierre Farkas explique que "la chaussée n'est plus qu'un champ dévasté où gisent les blessés et les morts, parmi les flaques de sang, les sacs à main, les chaussures, les éclats de vitres... Au coin de la rue d'Isly, plusieurs cadavres sont allongés sur le trottoir. Un prêtre leur donne rapidement l'absolution tandis que les armes automatiques continuent à crépiter". Le 30 mars, l'O.A.S. bombarde des musulmans au mortier et des soldats français ; Luxembourg et Europe enregistrent la canonnade. Farkas constate que "ce n'est plus de la politique mais de la folie meurtrière".
La traque des insurgés continue
Avec l'élimination de Salan le 20 avril, on pensait l'O.A.S. décapitée. Il n'en est rien ; au cours d'une émission de radio pirate, l'ex-général Gardy annonce qu'il prend le commandement de l'organisation terroriste. Et de fait, durant tout le mois de mai, la violence redouble d'intensité. En juin, chaque soir à 19h45, au même moment que le journal télévisé, l'O.A.S., sous l'intitulé "Radio France", diffuse une émission pirate sur le canal de la R.T.F. Le 8 juin, soir de l'allocution du général de Gaulle, l'émetteur clandestin brouille la voix de la France en diffusant la chanson "Tu parles trop", donnant ensuite son propre bulletin d'information ainsi qu'ordres et consignes à l'intention de ses fidèles sous formes de messages codés ("les briquets ne doivent pas être allumés" signifie qu'on ne mettra pas le feu au puits de pétrole, "la baignoire doit rester vide" signifie qu'on ne doit pas encore faire sauter les barrages, etc.). Chaque soir, René Duval, d'Europe N°1, résume ensuite cette intervention, parfois même en diffuse des extraits. L'O.A.S., qui a commandé aux Européens de quitter les lieux, entend bien tout démolir avant le référendum... à commencer par le magnifique bâtiment de dix-sept étages de la R.T.F. contre lequel elle tire deux obus de bazooka, provoquant heureusement peu de dégâts (les émissions furent interrompues à peine quelques minutes).
Le 14 juin, Jean-Pierre El Kabache (c'est l'orthographe de l'époque) propose sur France I une grande enquête sur l'Algérie, estimant probable la signature d'accords entre l'O.A.S. et le F.L.N. Quatre jours avant l'indépendance, les correspondants d'Europe, Luxembourg et France I annoncent la fuite de Gardy et la hargne des desperados de l'O.A.S. qui tirent leurs dernières cartouches à Oran. Le calme ne sera considéré comme revenu qu'à l'arrivée de l'été (le 3 juillet, l'Algérie est déclarée indépendante, selon le souhait exprimé par 99,72% des bulletins déposés dans les urnes).