Des milliers de Juifs ont été déportés à Auschwitz dont de nombreux Côte-d'oriens © Maxppp
Alors qu'il reste de moins en moins de survivants de la Shoah, est-ce important d'entretenir la mémoire ? C'est la question du jour sur France Bleu Bourgogne vendredi 25 avril 2014. Nous avons rencontré Simone Franck, dont la famille a accueilli Paulette Lévy, une survivante d'Auschwitz.
88 Juifs enfermés à l'école Jules Ferry de Dijon
Une plaque commémorative a été déposée vendredi soir à l'ancienne école Jules Ferry de Dijon (aujourd'hui l'école élémentaire Jaurès) en hommage aux Juifs qui y ont été détenus pendant la Seconde Guerre mondiale. Début mars 1944, 88 Juifs (hommes, femmes et enfants) sont enfermés dans l'école pendant plusieurs jours avant d'être déportés. Parmi eux, Paulette Lévy. Elle est emmenée au camp d'Auschwitz-Birkenau où elle va rester neuf mois avant d'être transférée dans une usine en Tchécoslovaquie. Elle est la seule à avoir survécu.
A la fin de la guerre, Paulette Lévy revient à Dijon où elle est accueillie par une famille juive, la famille Franck. Elle y restera pendant 11 mois. Léa Guichou a retrouvé Simone Franck, l'une des filles de la famille qui a 13 ans à l'époque. Aujourd'hui, elle a 83 ans.
Léa Guichou nous raconte l'histoire de Paulette Lévy, cette dijonnaise déportée à Auschwitz.
"On aurait jamais cru qu'il y avait une telle force de caractère chez elle parce que c'était un bout de femme" - Simone Franck
Quand Paulette Lévy raconte l'horreur des camps, Simone Franck se demande comment elle a pu survivre.
"Paulette s'était promis de toujours rester propre. Elle se levait à 3h du matin pour aller se laver avec de l'eau glacée", raconte Simone Franck.
►►► La question du jour : est-ce important d'entretenir la mémoire ? À l'occasion de la Journée nationale de la déportation, des cérémonies et des hommages sont prévus en mémoire des personnes juives déportées vers les camps de concentration.
Nous pourrions penser que le passé est un temps révolu et que seul le présent ait une réelle importance car vivre est dans l'instant présent. Nous pourrions donc concevoir que se souvenir du passé est une forme d'attachement à un temps dans lequel nous ne sommes plus et que nous n'avons plus aucune emprise sur ce passé. L’oubli signifie ne pas se souvenir, ne pas se rappeler, c'est un effacement.
Nous pourrions donc oublier tous les faits qui se sont déroulés pendant la Seconde Guerre mondiale et « vivre » notre présent, oublier ce que des millions de personnes ont vécu mais quels en seraient les conséquences ? Si le monde ne se souvenait plus de ces événements telle que la déportation des juifs, de ces lieux comme les camps d'exterminations, quelles en seraient les répercutions ? Sans nos souvenirs de la Seconde Guerre mondiale ou des informations que l'on nous a transmis, personne n'aurait conscience de l'atrocité de ces actes et nous pourrions donc craindre un reproduction des monstruosités ayant eut lieu. Par exemple, si chaque jour nous ne nous remémorions pas du précédent, ce que nous avons effectué au court de la journée, chaque jour serait comme « nouveau ». Nous réaliserions les mêmes actes, nous recommencerions chaque fois les mêmes choses sans en avoir conscience puisque nous ne nous souvenons pas de la veille. Dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, l’exemple peut, peut être, s'appliquer de la même façon puisque dans le cas de l'oubli de ces déportations, meurtres et autres crimes, personne ne pourrait prendre conscience de l'horreur de ces faits puisque aucun souvenir n’existerait. « Ceux qui ne peuvent se rappeler le passé sont condamnés à le répéter » disait George Santayana, écrivain et philosophe américain.
L'oubli ne doit donc pas se produire, nous devons tous nous souvenir pour ne pas avoir l'idée de réaliser ces faits. Primo Levi, écrivain italien et survivant de la Shoah, l'exprime dans cette citation :
« Peut-être que ce qui c'est passée ne peut pas être compris, dans la mesure où comprendre est presque justifier…
Si comprendre la haine est impossible, la connaître est nécessaire parce que ce qui est arrivé peut recommencer, les consciences peuvent être à nouveau être déviées et obscurcies… la nôtre aussi. »
Afin de lutter contre l'oubli, le devoir de mémoire est donc essentiel.
Le devoir de mémoire est le devoir moral de se souvenir des souffrances subies dans le passé par certaines catégories de la population.
Il est donc nécessaire de ne pas oublier. Le passé pourrait prendre la forme d'un devoir, c'est à dire comme une évidence dans le monde présent.
Il faut parler des camps d'exterminations pour éviter que cela se reproduise, un travail sur la mémoire est indispensable à tous les citoyens et futurs citoyens.
Nous devons mentionner les génocides telle que la Shoah pour empêcher que cela se perpétue. Depuis ce génocide, d'autres ont eu lieu comme au Rwanda (En 1994, environ 800 000 morts). Malgré cet entretien de la mémoire et cet essai d'obtenir un monde sans atrocité, certains faits se reproduisent encore et montrent ce que certains êtres humains peuvent encore infliger de nos jours.
Le devoir de mémoire peut donner lieu et s'exercer à travers différentes actions :
Les cérémonies commémoratives, qui est l’occasion d’honorer la mémoire des combattants et des victimes de guerre. Elles sont un outil important de transmission de la mémoire aux jeunes générations. Par exemple, ce 27 avril 2014 est la journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la Déportation. Aussi, le 23 août est la Journée européenne en souvenir des victimes de tous les régimes totalitaires et autoritaires.
Les lieux de mémoire participent aussi au devoir de mémoire avec les monuments aux morts tels que le musée et mémorial d'Auschwitz – Birkenau qui perpétue le souvenir des victimes de la solution finale (mesures qui vont conduire à l'extermination massive des Juifs d'Europe) et génocide organisée par les nazis.
Ainsi que le mémorial de la Shoah, à Paris, musée consacré à l'histoire juive durant la Seconde Guerre mondiale.
Les témoignages tels que « Quand les bombes tombaient sur Nantes » de Robert Boiziau et « Le journal d'Anne Frank » d'Anne Frank nous informent des événements de la Seconde Guerre mondiale. De nombreux autres témoignages oraux et écrits existent et renseignent les générations plus jeunes sur les conditions, les actes de cette guerre.
Les expositions sont aussi présentes pour transmettre et préserver ces faits. A paris, l'exposition « C'étaient des enfants. » en 2012, nous fait voir la guerre à travers l’enfance. L’exposition s’attache à leur redonner un nom, une mémoire, une histoire.
Le devoir de mémoire peut aussi prendre la forme de textes de loi tel que l'article 212-1 du chapitre II de la partie législative du code pénal définissant le crime contre l'humanité. Ce devoir s'exprime aussi dans les programmes d'enseignement où les jeunes apprennent les événements de cette guerre. De la même manière dans les œuvres musicales, la chanson « Nuit et Brouillard » de Jean Ferrat, commémorant les victimes des camps d'extermination nazis de la Seconde Guerre mondiale, de même que des poèmes tel que « Auschwitz et après » de Charlotte Delbo.
Nous pouvons alors nous apercevoir que le devoir de mémoire est énormément présent afin d'échapper au renouvellement des faits de la Seconde Guerre mondiale.
Journée de la déportation :
le message des anciens à la Nation
A l’occasion de la Journée nationale du Souvenir des Victimes et des Héros de la Déportation, les anciens ont choisi d’adresser collectivement un message à la Nation et en particulier aux plus jeunes générations.
“En ce jour de recueillement et de souvenir qui marque le 69ème anniversaire de la libération des camps de concentration et d’extermination, c’est d’abord à celles et ceux d’entre nous qui ne sont pas rentrés de la terrible épreuve de la déportation que nous voulons penser. Persécutés, pourchassés, arrêtés ou raflés dont des milliers d’enfants, tous ont connu les conditions inhumaines des camps, la dégradation de l’être humain et la mort.
Si l’année 1944 fut en France, celle de la libération du territoire, elle fut aussi celle d’un renforcement et d’une aggravation de la répression et de la déportation marquée par la poursuite des activités meurtrières dans les camps.
L’espoir suscité par le Débarquement de Normandie puis de la Libération de Paris fut estompé par le durcissement et la radicalisation du régime nazi qui ne renonçait à aucun de ses objectifs criminels.
La condition de vie des détenus s’aggrava en 1944 et les chances de survie diminuèrent.
Dans nos sociétés où réapparaissent des actes et propos xénophobes, racistes, antisémites et discriminatoires , les rescapés des camps de la mort rappellent toute l’importance des valeurs de solidarité, de fraternité et de tolérance, qu’ ils n’ont eu de cesse de promouvoir et défendre depuis leur retour.
Il appartient aux générations suivantes de préserver ces valeurs qui sont celles de la République”.
Le message a été rédigé et signé conjointement par :
La Fondation pour la mémoire de la Déportation (F.M.D.)
La Fédération Nationale des Déportés et Internés de la Résistance (F.N.D.I.R.)
La Fédération Nationale des Déportés et Internés, Résistants et Patriotes (F.N.D.I.R.P.)
L’Union Nationale des Associations de Déportés, Internés et Familles de Disparus (U.N.A.D.I.F.)