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Pour conquérir le pouvoir ou le conserver...
La guerre d’Algérie était instrumentalisée
par les politiques
... aujourd’hui ils manipulent son histoire !
Le vendredi 13 mai 2011, par webmestre
L’histoire de la guerre d’Algérie est cruelle pour les responsables politiques dont le cheminement vers le pouvoir et les luttes pour le conserver les ont conduits, à l’époque, à renier les principes affichés.
Aujourd’hui, cette sale guerre est une tranche d’histoire que des politiciens, trop jeunes pour en avoir été les acteurs, manipulent encore par silence ou par complicité. Une récente illustration nous en est donnée par le comportement de messieurs Guaino et Estrosi devant les téléspectateurs de Canal+.
Lorsque les anciens d’Algérie que nous sommes remontons le passé, avec l’appui d’historiens scrupuleux, nous prenons conscience du cynisme et de l’opportunisme des responsables politiques intervenant dans ce conflit.
Ainsi, fin 2010, de nouveaux documentaires, concernant les rapports de de Gaulle et de Mitterrand avec la guerre d’Algérie, ont montré sans complaisance, chez l’un comme chez l’autre, une ambition politique supplantant la rigueur des principes. Les lauriers qu’on leur avait tressés depuis avaient tendance à occulter des épisodes peu glorieux dont nous avons été les premières victimes.
En effet, lorsqu’un Mitterrand, ministre de l’intérieur, fait en 1954 des couplets implacables contre la « rébellion » et pour le maintien de la France en Algérie, ces paroles résonnent d’une manière étrange dans nos têtes. Lorsque nous apprenons en outre qu’il a refusé, contre l’avis de ses conseillers, la grâce de 45 Algériens condamnés à mort, nous arrivons à une conclusion simple : cette attitude, contraire aux engagements du front républicain qui l’avait amené au pouvoir, n’était dictée que par l’ambition politique. Ce 10 mai, J.P. Chevènement sur France Culture va encore plus loin, affirmant que ces Algériens ont été exécutés parce que François Mitterrand briguait la place de président du conseil, et, pour ce faire, ne voulait pas déplaire à la droite. Rappelons toutefois que d’autres responsables politiques ont préféré au même moment abandonner leurs places, plutôt que de renier leurs convictions.
Bien plus tard, durant son « règne de président », il oubliera la conduite insensée des généraux putchistes d’avril 1961, en leur redonnant leurs grades… et la retraite qui va avec, malgré une forte opposition de son propre camp à l’Assemblée Nationale. Ne pas chagriner les pieds-noirs était déjà un enjeu électoral du pouvoir…
Quant à de Gaulle, en tant qu’anciens appelés, nous sommes naturellement portés à ne voir en lui que l’homme des accords de paix, contre la volonté des ultras. Et comme ceux-ci lui vouaient une haine sans merci, au point d’organiser son assassinat, son auréole en est sortie renforcée.
Mais l’histoire nous rappelle qu’en 1958, c’est un soulèvement de factieux en Algérie, bientôt soutenu par un mouvement en Corse, qui a fait capoter la République. De Gaulle n’ignore rien des intrigues ambigües de sa mouvance politique destinées à cristalliser le coup de force et revêt alors sans état d’âme un costume pseudo-constitutionnel pour gravir les marches du pouvoir. C’est évident : il pressent déjà l’issue du conflit. Cependant, il préfère d’abord tromper les comploteurs pour avoir leur soutien et accéder à la magistrature suprême… Et nous, les appelés, connaîtrons donc quatre années de guerre inutile.
Lorsque les accords d’Évian seront conclus et la poursuite des essais nucléaires assurée au Sahara, de Gaulle n’aura plus qu’à tourner la page, sans la moindre considération pour ceux qui avaient écouté aveuglément ses promesses. Les harkis en savent quelque chose…
Cette duplicité des politiques dans l’affaire algérienne a cependant entraîné la mort de dizaine de milliers de combattants et de civils, français et algériens. Mais 50 ans après, elle n’a pas disparu pour autant. C’est maintenant l’histoire que l’on accommode ou que l’on oublie pour éviter des revers électoraux, compromettant le maintien ou l’accession au pouvoir.
Depuis plusieurs années les autorités laissent les nostalgiques de l’Algérie française réécrire l’histoire en honorant des criminels ou en commémorant des évènements séditieux. Sur ce site, nous avons déjà déclaré, à diverses reprises, que ces initiatives, au motif d’honorer des victimes, étaient de nouveaux obstacles à la réconciliation avec le peuple algérien et un terreau fertile pour l’islamophobie.
Mais le pouvoir actuel n’en a cure. Et quand le 17 avril au grand journal de Canal + , on évoque, devant Henri Guaino, la remise en place à Marignane d’un monument qui rend hommage à des assassins de l’OAS, tandis que leurs héritiers traitent de Gaulle de général félon, le porte-plume du président Sarkozy n’a pas un mot pour condamner cette initiative. Lui, le gaulliste pur et dur, ne veut pas se mettre à dos l’extrême droite.
Pour être objectif il faut toutefois se souvenir que la délibération municipale d’octobre 2010 approuvant le retour du monument avait recueilli… l’abstention des socialistes. Pensaient-ils déjà aux élections régionales ?
Le 24 avril, Canal +, qui n’a pas donné la parole aux opposants à cette « commémoration », invite ensuite Estrosi, maire de Nice. Encore un fervent gaulliste qui est prêt à tout pour contenir la vague lepenniste, jusqu’à tolérer une manifestation rendant hommage aux 4 généraux putschistes d’avril 1961. Et il n’exprime aucune réserve devant les téléspectateurs lorsque le sujet est évoqué. Là encore, Canal + a omis d’interviewer les opposants. En fait on assiste à la banalisation de menées criminelles qui ont tenté de renverser la 5eme République. Car c’est bien d’une « organisation » qui a fait des centaines de victimes innocentes dont il est question. [1 ]. Rien que cela . Avec la bienveillance d’une chaîne de télévision, la complicité des pouvoirs publics et la couardise des prétendus disciples de de Gaulle.
La duplicité des dirigeants prévalait sur la morale politique durant la guerre d’Algérie.
Aujourd’hui, l’opportunisme et la lâcheté permettent à un revisionisme malsain d’envahir un sujet réservé -normalement- à l’investigation sereine des historiens.
Restons mobilisés pour endiguer cette dérive.
Notes :
[1 ] Les autorités algériennes viennent de commémorer le 2 mai le 49eme anniversaire de l’attentat OAS qui tua 200 dockers sur le port d’Alger.