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terrorisme : n’oublions pas les victimes de l’OAS ! rubon69-70d3e

article de la rubrique extrême droite > l’O.A.S.
date de publication : mercredi 3 août 2011




Le terrorisme – faire la guerre en visant délibérément des civils – revient régulièrement à la une de l’actualité. Le terrorisme du passé reste l’objet de débats et les souffrances qui y sont attachées toujours aussi vives.

La guerre d’Algérie en est un exemple : l’attentat du Milk Bar organisé par le FLN en septembre 1956 à Alger sera abordé lors du Congrès international de victimes du terrorisme qui se réunira à Paris en septembre prochain. Mais il semblerait qu’il ne soit pas prévu d’y évoquer le terrorisme de l’OAS. Certes toutes les condamnations en liaison avec la guerre d’Algérie sont amnistiées, mais les faits demeurent, ineffaçables, et on ne peut oublier le terrorisme auxquels se sont livrés il y a une cinquantaine d’années certains des tenants de l’Algérie française, entraînant plus de 2 200 morts, civils ou militaires.

L’assassinat le 15 mars 1962, quelques jours avant le cessez-le-feu, de six dirigeants des Centres sociaux éducatifs, reste un des plus abominables exemples de terrorisme, mais l’indignation qu’il a immédiatement soulevée n’a pas empêché les membres de l’OAS de poursuivre leur œuvre de mort et de destruction.

Des travaux d’historiens ont rappelé ce que fut le terrorisme de l’OAS [1], tandis que Mohammed Harbi, dans un entretien donné en 2002, insiste sur les conséquences dramatiques à long terme des violences exercées par le FLN.

 

Organisation Armée Secrète [2]

par Raphaëlle Branche et Sylvie Thénault

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“OAS veille”, graffiti à Alger 1962 (© Marc Garanger)

Ce sigle symbolise la folie meurtrière qui atteint l’Algérie dans les mois qui précèdent l’indépendance. Née au début de l’année 1961, l’OAS est d’emblée une réaction violente et clandestine au déroulement politique des événements d’Algérie. Elle est une structure complexe où se mêlent des Européens d’Algérie, parfois activistes de la première heure, des militaires nostalgiques d’une certaine grandeur impériale, des poujadistes, des monarchistes, etc. Les militaires y ont une place importante et leurs effectifs grandissent après l’échec du putsch d’avril 1961 et le passage des généraux Salan et Jouhaud dans la clandestinité. L’ancien commandant en chef en Algérie, Raoul Salan, est le chef de l’OAS, qualifié de "commandant supérieur" — ce qui explique l’équivalence, dans le slogan peint sur les murs d’Alger, entre l’OAS et Salan.

L’OAS reçoit, dans un premier temps, le soutien de la majeure partie de la population européenne d’Algérie, particulièrement à l’automne 1961. Mais son raidissement à la veille du cessez-le-feu lui aliène ce soutien, tandis qu’en métropole elle peine à trouver des relais. Le portrait d’une petite fille mutilée dans un attentat qui visait André Malraux fait le tour de la France et stigmatise durablement l’OAS.

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Affiche de l’OAS à Alger en 1962 sur le général de Gaulle et ses barbouzes (© Keystone)

L’organisation terroriste a deux tactiques : les explosions au plastic, qui devient sa marque, et les assassinats individuels appelés "opérations ponctuelles". Ses commandos, appelés aussi Delta, sont les acteurs principaux de ces violences. Les plasticages ponctuent le quotidien des habitants des villes d’Algérie pendant un peu plus d’un an. L’OAS organise aussi des "nuits bleues", occasions d’explosions répétées. En métropole, le maximum des attentats se situe en janvier et février 1962, visant en premier lieu des personnalités ou des journaux communistes. En Algérie, à partir de mai 1961, c’est parfois jusqu’à 350 explosions mensuelles qui secouent la capitale. L’approche du cessez-le-feu est l’occasion d’une violence accrue. Le 25 février, le général Salan lance son instruction n°29 qui commence par ces mots : "L’irréversible est sur le point d’être commis...". Une insurrection est souhaitée et la violence atteint un nouveau sommet ; les photographies de l’attentat et de l’affiche contre les barbouzes datent d’ailleurs de cette époque, témoignant du regain de tension qui caractérise le mois de mars 1962. Ces records sont encore dépassés entre le cessez-le-feu et l’indépendance : l’OAS se déchaîne et choisit une politique de la terre brûlée qui prétend rendre l’Algérie aux Algériens dans l’état de 1830.

Par-delà cette évolution, l’organisation secrète a toujours la même cible privilégiée : le général de Gaulle. Considéré comme le fossoyeur de l’Algérie française, le président de la République concentre la haine de ceux qui ont choisi de se lancer à corps perdu dans ce combat et se comparent volontiers aux résistants de 1940 en renvoyant au chef de l’État l’image de sa propre dissidence. Les agents secrets spécialement chargés de la répression de l’OAS, les "barbouzes", focalisent également cette hostilité qui aboutit à la mort de dix-neuf d’entre eux dans l’explosion d’une villa d’Alger en janvier 1962. Accréditant la vérité de son slogan "l’OAS frappe où elle veut, quand elle veut, comme elle veut", l’organisation s’attaque aussi à de nombreuses reprises au général de Gaulle lui-même (par exemple lors de l’attentat du Petit- Clamart en août 1962). Mais le chef de l’État en réchappe toujours.

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Un magasin musulman détruit par une bombe de l’OAS, quartier de Belcourt, Alger, 19 mars 1962 (© Keystone)

La politique de terreur ne se contente pas de s’en prendre à des cibles privilégiées. Malgré l’interdiction des généraux Salan et Jouhaud de recourir à des "ratonnades", c’est- à-dire à des brutalités collectives à l’encontre d’Algériens, ceux-ci deviennent les victimes habituelles de l’OAS. Ainsi l’attentat dont a été témoin un photographe a visé un magasin d’alimentation tenu par un Algérien dans un arrondissement du nord d’Alger habité surtout par des Européens, mais entouré de quartiers largement peuplés d’Algériens. En 1962, les extrémistes de l’OAS souhaitent mettre fin à toute mixité, expulser les Algériens des quartiers européens et inversement. La charge de plastic qui a soufflé le magasin du quartier de Belcourt n’a plus de quoi étonner les Algérois à cette date. L’événement y est presque banal. Il en aurait été de même à Oran dans les derniers mois de la guerre et jusqu’en juillet 1962. La grande ville de l’ouest algérien a en effet le triste privilège de détenir le record du nombre de victimes du terrorisme de l’OAS.

Raphaëlle Branche et Sylvie Thénault

 

A L G É R I E [3]

Le nombre mensuel d’attentats à l’explosif passe de 277 en juin 1961 à près de 500 en juillet et août ; il dépasse 1000 en octobre puis décroît à partir de novembre pour se situer entre 450 et 500 au début de l’année 1962 ; suit une recrudescence entre mars et mai (aux alentours de 700) et une chute très marquée en juin (337). Cette évolution illustre non seulement le décalage avec la métropole où les plasticages sont plus tardifs, mais aussi le changement de style opéré par l’OAS : à partir de novembre 1961, le 2e Bureau doit en effet ouvrir une rubrique « manifestations de masse » (grèves, agitation, ratonnades) qui concerne principalement Oran, et il commence à distinguer les attentats à l’explosif de ceux commis par d’autres moyens (armes à feu, grenades, armes blanches, voitures piégées...), lesquels finissent par égaler ou dépasser le nombre d’explosions. On voit donc que, de l’intimidation dangereuse, l’activisme passe à l’agression meurtrière, aux attentats aveugles, aux assassinats ciblés, à la chasse aux Arabes.

A L G E R [4]

Le 20 avril, et pour répliquer à l’arrestation de Salan, les Deltas assassinaient 24 musulmans, rien qu’à Alger. Le 2 mai, c’était un épouvantable massacre dans le port d’Alger : une voiture piégée explosait au milieu d’une foule de débardeurs en chômage, à la recherche d’un travail. [...] Cette semaine qui avait coûté la vie à 250 musulmans, se terminait avec le meurtre de 7 [femmes de ménage algériennes], alors qu’elles se rendaient à leur travail chez des Européens. Cet acte particulièrement cruel et inutile choqua profondément l’opinion française.

O R A N

Le général Artus, commandant la Gendarmerie d’Oran, a fourni le 12 avril 1962 dans le cadre de sa déposition au procès du général Jouhaud, ces précisions sur les attentats de l’OAS : 1190 explosions de plastic et 109 attaques à main armée qui ont provoqué 137 morts et 385 blessés pendant les seuls quatre mois et demi de sa prise de fonction [5].

Après les accords d’Evian, le général Katz n’osait plus transmettre les chiffres des victimes de peur de provoquer la rupture du cessez-le-feu. Et ce n’est pas lui, mais le préfet de police qui communiqua plus tard le bilan total du 19 mars au 1er juillet 1962 on dénombra à Oran comme victimes de l’OAS : 66 Européens civils tués et 36 blessés ; 410 Algériens tués et 487 blessés [6].

F R A N C E [7]

L’Organisation secrète se livre à des démonstrations de masse, les « nuits bleues », dont celle du 17 au 18 janvier 1962, marquée par 18 plasticages à Paris. [...]. En fait, aucune des villes de grande ou moyenne importance n’est épargnée, même si c’est à Paris qu’ont eu lieu plus de la moitié des plasticages métropolitains.

Le plastic a une fonction de menace et d’intimidation. Il sert à atteindre les immeubles et biens de l’administration, les domiciles, voitures ou permanences d’hommes politiques, les sièges de journaux réputés pour leur hostilité à l’OAS. Comme on pouvait le prévoir, avec 45% des hommes politiques et 27% des journaux concernés, le Parti communiste vient en tête des victimes. Il est suivi par les représentants de l’UNR (34%), puis le PSU (7%), pour ce qui est des personnalités politiques, et par Le Monde (14%), puis Le Figaro et France-Soir (environ 10% chaque), en ce qui concerne la presse".

Frappant également des intellectuels ainsi que des militants politiques ou syndicaux de base, ces attentats soulèvent une indignation qui atteint un sommet lorsque, le 7 février 1962, un plasticage destiné à l’appartement d’André Malraux atteint par erreur une fillette, Deiphine Renard, gravement blessée aux yeux. [...]

Le nombre total de victimes de l’OAS en métropole s’élève, selon Arnaud Déroulède, à 71 morts et 394 blessés. Le mois le plus meurtrier est celui de juin 1961, avec 24 morts et 132 blessés. L’explication de cette date surprenante par sa précocité tient à l’effet du déraillement d’un train Paris-Strasbourg, le 18 juin, accident dont l’attribution à l’OAS s’est faite d’autant plus tard que ses auteurs, très jeunes, n’ont pas tous été inculpés.

Ces chiffres sont sans commune mesure avec ceux que l’on peut avancer pour l’Algérie, en dépit de l’incertitude des sources. En effet, en croisant les statistiques de la Sûreté nationale avec celles du préfet de police d’Alger, Charles-Robert Ageron se rallie à l’estimation faite de bonne heure par le journaliste américain Paul Hénissart, soit au moins 2200 morts au total ; pour la seule période qui va jusqu’à l’arrestation de Salan, le 20 avril 1962, ce serait 1622 morts, dont 239 Européens, et 5148 blessés, dont 1062 Européens, attribuables à une série de 12 299 explosions au plastic, 2546 attentats individuels et 510 attentats collectifs. En se fondant sur des sources internes et tout en reconnaissant qu’aucune indication n’est vraiment fiable, Arnaud Déroulède propose une évaluation plus faible : 9 000 à 12 000 plasticages, 1 500 tués, 5 000 blessés.

 

La petite Delphine Renard

Le 7 février 1962, dix charges de plastic explosent à la porte du domicile parisien d’hommes politiques, d’intellectuels, de journalistes. Sept blessés.

Parmi ces blessés une petite fille. Elle s’appelle Delphine Renard, elle a quatre ans et demi. En attendant de retourner a l’école, elle jouait dans sa delphine_renard-e6a03.jpgchambre après le déjeuner quand une charge de plastic destinée à André Malraux, qui habitait le même immeuble de Boulogne-sur-Seine, explose devant ses fenêtres. Delphine sera gravement atteinte et y perdra un œil.

Le lendemain 8 février se déroule une importante manifestation anti-OAS qui verra manifestants et forces de l’ordre s’affronter avec 5 morts au métro Charonne et 3 morts Place Voltaire.

Notes

[1] Nous laissons volontairement de côté d’autres crimes commis par l’OAS : la destruction de la bibliothèque d’Alger, l’incendie des réservoirs de la BP, fin juin 62, à Oran ...

[2] Source : Raphaëlle Branche et Sylvie Thénault, La guerre d’Algérie, éd. La documentation française, Documentation photographique, N° 8022, août 2001.

[3] Anne-Marie Duranton-Crabol, Le temps de l’OAS, éditions Complexe, 1995, page 145.

[4] Alistair Horne, Histoire de la guerre d’Algérie, Albin Michel 1980, page 548

[5] Georges Fleury, L’OAS, éd. Grasset, janvier 2003, p. 689

[6] Charles-Robert Ageron, in préface : Joseph Katz, L’honneur d’un général, Oran 1962, éd. L’Harmattan, 1993.

[7] Anne-Marie Duranton-Crabol, Le temps de l’OAS, éditions Complexe, 1995, page 142, puis 144.

 

A PROPOS DE CET ARTICLE ET DU COMMENTAIRE QUI L’ACCOMPAGNE NOTRE AMI JEAN-FRANCOIS GAVOURY ECRIT :

Bien repéré votre article mentionné ci-dessus en objet (repris de celui publié sur le site de la LdH Toulon).

Il semble que M. Pervillé soit une référence pour votre correspondant. Soit !

Dans ce cas, rappelons ce que cet historien a fait paraître sur son propre blog à propos de l’OAS (cf. infra).

Amitiés,

JFG

 

OAS, le terrorisme du désespoir (2004)

 

Extraits page http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3?id_article=160

 

Qu’est-ce que l’OAS ?

vendredi 23 novembre 2007.

 

Cet article, initialement intitulé "Qu’est-ce que l’OAS ?", a été d’abord publié dans le numéro hors-série de la revue Science et vie intitulé "Algérie 1954-1962, la dernière guerre des Français", paru peu avant le cinquantième anniversaire du début de la guerre d’Algérie le 1er novembre 2004 (pp. 94-100). Il était accompagné d’une interview de l’auteur par le rédacteur en chef de la revue Jean Lopez, intitulée "Pieds-noirs, la valise ou le cercueil" (pp. 139-140 et 14"), reproduite dans la rubrique Interviews de ce site. Je remercie Jean Lopez de m’avoir autorisé à reproduire ces deux textes.

L’OAS (Organisation armée secrète) a mauvaise réputation. Elle est généralement considérée comme une organisation fasciste (voire nazie) qui a tenté d’empêcher par la terreur le rétablissement de la paix entre la France et l’Algérie en 1961-1962, et d’assassiner le général de Gaulle, président légitime de la Ve République. Deux actes de violence, entre beaucoup d’autres, ont particulièrement marqué les mémoires : l’explosion d’une bombe, destinée au ministre André Malraux, qui éborgna et défigura la petite Delphine Renard, le 7 février 1962 à Paris, et l’assassinat de six inspecteurs des Centres sociaux éducatifs (trois Français et trois Algériens, parmi lesquels l’écrivain Mouloud Feraoun, ami d’Albert Camus) à Alger le 15 mars 1962. Et pourtant, la grande majorité des Français d’Algérie l’avaient considérée, au moins momentanément, comme leur seul espoir de rester français dans une Algérie française. Comme l’a écrit Francine Dessaigne dans son Journal d’une mère de famille pied-noir, “nul historien honnête qui fixera cette période ne pourra passer sous silence l’emprise de l’Armée secrète sur nos esprits et notre vie. Emprise délibérément admise par une population qui a été bien surprise des sentiments que certains lui prêtaient. Elle ne voulait ni conquérir la métropole, ni la gouverner, mais simplement rester française sur le sol où elle est née”.

[…] Au début, les plus modérés des militaires et des civils espéraient refaire le 13 mai 1958 en ralliant l’armée à un mouvement populaire franco-musulman spontané, alors que les plus radicaux comptaient sur une mobilisation générale imposée par la force, en terrorisant les ennemis, les « traîtres », et les réfractaires à l’autorité de l’OAS. Le général Salan s’est radicalisé, en approuvant les « actions payantes et spectaculaires » (vols d’armes, hold-up, attaques contre les policiers, les "barbouzes" et les gendarmes mobiles) commises par des
« hommes de main courageux et dépouillés des considérations mondaines » ; mais il a toujours refusé le racisme, l’affrontement des communautés, « l’exécution criminelle de l’innocent anonyme ». Sa directive générale du 23 février 1962 ordonnait de mettre en échec le prochain cessez-le-feu par une insurrection urbaine et rurale appuyée sur la mobilisation des Français d’Algérie et d’une partie de la population musulmane, devant entraîner le ralliement de l’armée. Mais il vit son plan immédiatement dénaturé par des « ratonnades systématiques » et par des meurtres en série visant à chasser les musulmans des quartiers européens, et à provoquer des représailles du FLN pour obliger l’armée à intervenir. Après le cessez-le-feu du 19 mars 1962, ce plan tourna au désastre en dix jours : l’ouverture du feu sur des soldats du contingent le 23 mars provoqua la bataille, le blocus et le ratissage de Bab-el-Oued, puis le mitraillage d’une manifestation de soutien à ses habitants par des tirailleurs algériens de l’armée française le 26 mars rue d’Isly ; enfin la tentative de créer un maquis dans l’Ouarsenis avorta faute de soutien musulman. Privée de stratégie, l’OAS redoubla de violence et pratiqua la « terre brûlée », puis tenta de négocier avec le président de l’Exécutif provisoire, Abderrahmane Farès, un accord entre Algériens donnant aux Français d’Algérie des garanties supérieures à celles d’Évian. Cette tentative, menée par Jean-Jacques Susini, fut désavouée par les organisations d’Oranie et du Constantinois, et par les commandos dépendant de Jean-Claude Perez (qui préféra s’exiler après avoir envisagé de reprendre le pouvoir par une « nuit des longs couteaux »). L’OAS d’Alger cessa le feu le 17 juin, celles du Constantinois et d’Oranie quelques jours avant le référendum du 1er juillet qui ratifia massivement les accords d’Évian et l’indépendance de l’Algérie.

 

Le bilan de l’OAS est donc celui d’une action terroriste de plus en plus violente et de moins en moins sélective, qui aurait tué 2.200 personnes (dont environ 85% de musulmans), sans réaliser aucun de ses objectifs. Elle souffrit d’une contradiction majeure entre le refus moral d’accepter la victoire du terrorisme du FLN et la tentation d’imiter ses méthodes pour leur efficacité. Contrairement à ce que ses anciens membres veulent croire, elle n’a pas bien protégé les Français d’Algérie, puisque ses attentats provocateurs ont provoqué en représailles plus de 3.000 enlèvements du 19 mars au 31 décembre 1962. Elle est apparue comme le dernier obstacle au rétablissement de la paix, mais il ne faut pas oublier que son terrorisme était resté moins meurtrier que celui du FLN jusqu’en janvier ou février 1962 (suivant les statistiques officielles des préfectures de police d’Alger et d’Oran). On ne peut pas prétendre que la guerre d’Algérie se serait bien terminée si l’OAS n’avait pas existé, parce que son existence même était un résultat inévitable de cette guerre.

 

Guy Pervillé

 

Extraits page http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3?id_article=161

 

Entretien avec Guy Pervillé, historien à l’Université de Toulouse-Le Mirail

 

[…]

- Science et vie : … au-delà des discours du FLN, il y a ses actes...

  G.P : Oui. Le 20 août 1955, dans le Nord-Constantinois, le FLN a entraîné des foules musulmanes à massacrer des Européens sans distinction d’âge ni de sexe (notamment à El Halia et Aïn-Abid), pour venger les victimes de la répression antérieure, et pour provoquer des représailles aveugles afin de séparer les deux communautés par un infranchissable fossé de sang. L’un des responsables de cette action, Lakhdar ben Tobbal, a reconnu dans ses Mémoires inédits qu’il avait toujours refusé de fréquenter des Européens : « Bons ou mauvais, je ne faisais pas de différence. Je les considérais comme des occupants ». Abane Ramdane, la tête politique du FLN d’Alger, avait une position plus nuancée. La plateforme qu’il fit adopter en août 1956 par le Congrès de la Soummam dénonçait deux « erreurs impardonnables » : « mettre dans le même sac tous les Algériens d’origine européenne ou juive », et « nourrir l’illusion de pouvoir les gagner entièrement à la cause de la libération nationale » ; elle préconisait « l’isolement de l’ennemi colonialiste (...) en neutralisant une fraction importante de la population européenne ». Abane fit adhérer au FLN quelques centaines de personnes en les convainquant que la Révolution algérienne n’était pas une guerre de races ou de religions, mais en février 1956 il avait menacé la population européenne de « représailles terribles » si la France faisait exécuter les patriotes algériens condamnés à mort, et il tint parole après les premières exécutions à Alger le 19 juin 1956. A partir du 30 septembre 1956, les attentats à la bombe devinrent fréquents dans les quartiers européens d’Alger. Plusieurs témoignages publiés en Algérie depuis l’indépendance confirment que des ordres d’abattre « un Européen, n’importe quel Européen, pourvu que ce soit un Européen » ont bien été donnés. L’action du FLN aboutit donc à un affrontement peuple contre peuple, « race contre race », délibérément provoqué.

 

- S&V : L’OAS serait alors la réponse du berger à la bergère ?

  G.P : Le terrorisme de l’OAS a été une riposte à celui du FLN. S’indigner du premier en oubliant le second relève de l’inconscience ou de l’hypocrisie. Il ne doit pas y avoir deux poids et deux mesures pour juger des actes semblables. Ceux qui, au nom de l’OAS, ont chassé les musulmans des quartiers européens par des meurtres en série et les ont harcelés dans leurs quartiers par des bombardements de mortier ou des explosions de voitures piégées sont mal placés pour condamner les représailles du FLN. De même, le déchaînement tardif de l’OAS ne peut justifier rétroactivement le terrorisme que le FLN avait fait subir à la population européenne depuis des années. En 1961, le FLN a travaillé pour l’OAS en multipliant les attentats au moment où de Gaulle ordonnait une trêve unilatérale des opérations militaires offensives, permettant ainsi à l’OAS de se présenter en seul défenseur des Français d’Algérie. En 1962, au contraire, l’OAS a travaillé pour le FLN en traitant tous les musulmans en ennemis.

 

 

 

 

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