Par Michel Sabourdy
Rédacteur en chef
De L’Ancien d’Algérie
Ils avaient vingt ans. Certains un peu plus, d’autres un peu moins... Leur vie s’est arrêtée brutalement sur une terre lointaine, qu’ils découvraient avec curiosité et une certaine appréhension. Entraînés par la dynamique de la vie en communauté, “entre potes”, dans une mixité sociale dont les signes sont abolis par l’uniforme, les “p’tits gars” comme disait Bigeard, gardaient bien l’espoir de revoir le pays natal après avoir accompli ce qu’il était convenu d’appeler “leur Devoir”. Le sort – et cette guerre cachée – en ont décidé autrement pour près de 30 000 d’entre eux ! Fauchés à l’âge où l’on attend tout de la vie, leur mort “sous les drapeaux” a plongé des familles dans une douleur d’autant plus grande qu’officiellement, il ne se passait rien en Algérie en dehors des quelques escarmouches d’un hypocrite maintien de l’ordre. Pour accréditer cette thèse rassurante, les cercueils, contenant leurs pauvres restes, étaient débarqués nuitamment et discrètement acheminés vers les familles. Quel contraste avec l’ostentation qu’on a pu voir, il y a peu, pour les morts d’Afghanistan ! Autre temps, autres pratiques. Soit. Mais une chose ne change pas : le Souvenir du camarade qu’on a vu tomber à ses côtés ou qui n’a pas regagné la chambrée au retour de l’opération. Pour l’écrivain George Sand, “L’oubli est le vrai linceul des morts...” et pour les anciens combattants, toutes générations confondues, leur mémoire nous donne rendez-vous chaque année. Car, les morts revivent dans le souvenir de ceux qui les ont connus, quand on les évoque en famille, entre amis ou même officiellement... La deuxième mort survient quand ceux qui ont survécu disparaissent à leur tour. C’est pourquoi il nous appartient, à nous qui avons survécu et survivons toujours, de leur épargner cette deuxième mort en remplissant ce Devoir de Mémoire auquel la FNACA nous appelle chaque 19 mars, à l’anniversaire du “cessez-le-feu” qui mit fin officiellement à la guerre d’Algérie voilà bientôt 50 ans. La seule chose qu’il faut “oublier”, ce sont ces polémiques scandaleusement indécentes, portées, ici et là, par ceux qui abusent des lois d’amnistie et n’ont jamais accepté que cette guerre s’arrête... le 19 mars ou un autre jour ! Samedi 19 mars, nous nous rassemblerons encore, par dizaines de milliers, devant nos monuments aux Morts, nous frissonnerons encore à l’écoute de la sonnerie “Aux Morts”, et nous relèverons encore la tête aux accents de la “Marseillaise”.
Michel Sabourdy