Les signataires des accords d’Evian, Krim Belkacem et Louis Joxe mettent un terme à la guerre Archives Le Progrès
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Une nouvelle France. Enfin soulagée de son héritage colonial, la France travaille désormais à sa prospérité. Avec le recul, cette période s’apparente à un âge d’or.
Avec l’été 1962, la guerre d’Algérie s’achève. Dans la douleur pour les rapatriés qui seront près d’un million à essayer de refaire leur vie en France. Dans la tragédie pour les harkis restés en Algérie et qui seront l’objet des représailles de leurs compatriotes. Dans l’amertume pour les tenants de l’Algérie française. Dans un soupir de soulagement, enfin, pour la très grande majorité de ces Français qui n’en pouvaient plus du drame algérien et étaient désormais pressés de passer à autre chose.
Ainsi, pour la première fois depuis 1940, la France allait connaître une vraie période de paix, après un conflit mondial et deux guerres de décolonisation menées successivement en Indochine et en Algérie.
1962 est, en effet, une date importante dans l’histoire récente de la France. Et pas seulement du fait de la fin de la guerre d’Algérie, même si nombre des événements qui marqueront cette année découlent directement du drame algérien. A commencer par la décision prise par le général de Gaulle de soumettre au référendum sa proposition portant sur l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Échaudé par l’attentat du Petit-Clamart, au cours duquel il avait vu la mort de très près, le chef de l’État s’était en effet résolu à cette réforme. Son but était de permettre à ses successeurs de bénéficier, face aux parlementaires, d’une solide légitimité dont il jouissait lui-même du fait de sa dimension historique. Combattue par une large partie d’une classe politique restée attachée à la tradition parlementaire — le gouvernement Pompidou sera renversé sur cette question le 5 octobre — la proposition n’en recueille pas moins un vaste assentiment populaire le 28 octobre suivant (62 % de oui).
De Gaulle, toujours lui, se retrouve avec les mains libres pour mener la politique étrangère de son choix. La France qui vient de rompre avec son passé colonial — de l’empire, il ne reste désormais que quelques miettes — peut s’adresser sans ressentir de la gêne à ce que l’on appelle le tiers-monde.
Et d’abord aux États, indépendants depuis l’année précédente, issus de l’ancienne communauté africaine et malgache. Et sa voix porte d’autant plus que le général, soucieux d’indépendance nationale, a tenté de s’affranchir de la politique des deux blocs, et ceci en dépit de la guerre froide qui atteint alors son paroxysme (crise des missiles de Cuba). C’est toujours au cours de cette année qu’il travaillera à parachever sa politique de réconciliation avec l’Allemagne du chancelier Adenauer (le traité de l’Élysée sera signé en 1963). Le couple ainsi formé pèsera dorénavant sur le destin d’une communauté européenne en train de se construire et dont la « politique agricole commune », lancée en 1963, sera un des symboles les plus forts.
Pendant ce temps-là, la France va bien et même très bien. Les appelés du contingent, revenus des djebels, participent à une croissance dont le taux flirte avec les sept points. Quant au chômage, il n’est que résiduel, à 2 % de la population active. Aussi, même si l’hiver 62-63 s’est révélé particulièrement rude, la population affiche sa confiance dans l’avenir et le progrès. C’est le temps des copains et du Formica, de l’exode rural et des « yéyés », des grands ensembles et de l’insouciance.
Mais cela ne durera qu’un temps. Tout à son œuvre, le général n’a pas compris que la génération qui monte alors s’est forgée une conscience politique au cours de l’épisode algérien. Elle se rappellera à son bon souvenir cinq années plus tard.
G.C et R.R