« Il faut regarder notre passé commun en face » a déclaré Alain Juppé lors de sa visite à Oran le 17 juin 2011. Et le ministre des Affaires étrangères du moment, citant le discours de Nicolas Sarkozy à Alger le 3 décembre 2007, a poursuivi en évoquant « le caractère injuste de la colonisation et les maux qu’il a engendrés ». Et François Hollande en 2012 a prononcé toutes ces phrases :
- Pendant 132 ans, l’Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal. Ce système a un nom : c’est la colonisation et je reconnais ici les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien.
- Parmi ces souffrances, il y a eu les massacres de Sétif, de Guelma, de Kherrata qui je sais demeurent ancrés dans la conscience des Algériens mais aussi des Français. Parce qu’à Sétif, le 8 mai 1945, le jour même ou le monde triomphait de la barbarie, la France manquait à ses valeurs universelles.
- La vérité, elle doit être dite aussi sur les circonstances dans lesquelles l’Algérie s’est délivrée du système colonial, sur cette guerre qui, longtemps n’a pas dit son nom en France, la guerre d’Algérie.
- Nous avons le respect de la mémoire, de toutes les mémoires. Nous avons ce devoir de vérité sur la violence, sur les injustices, sur les massacres, sur la torture.
- Connaître, établir la vérité, c’est une obligation. Et elle lie les Algériens et les Français. Et c’est pourquoi il est nécessaire que les historiens aient accès aux archives et qu’une coopération dans ce domaine puisse être engagée, poursuivie et que progressivement cette vérité puisse être connue de tous.
- La paix des mémoires à laquelle j’aspire repose sur la connaissance et la divulgation de l’histoire.
Comme on aimerait que de telles déclarations ne soient pas réservées à un public algérien...
Mais un geste, une déclaration forte s’imposeraient pour mettre enfin à distance cet héritage colonial qui empoisonne encore, plus de cinquante ans après, les relations entre la France et l’Algérie. Combien de temps faudra-t-il encore attendre pour que les plus hautes autorités de la République française reconnaissent publiquement l’implication première et essentielle de la France dans les traumatismes engendrés par la colonisation en Algérie ? Et pour mettre un terme au contentieux historique qui continue à opposer les deux pays ?
lWatan, édition du 18 juin 2011 : http://www.elwatan.com/actualite/al....
par Yacine Alim, El Watan, le 21 juin 2011
Ces ossements humains gisent sous terre depuis exactement 166 ans (© Aziz)
Arrivé au fond de la grotte, à plus de 3 m de profondeur, le groupe, composé de jeunes, d’adultes et même d’enfants, tous fils de la région, met alors à jour des ossements humains ainsi que des reliques.
Pour la première fois depuis 166 ans, la grotte de Nekmaria, connue sous le nom de Ghar El Frachih, 80 km à l’est de Mostaganem, en plein massif du Dahra occidental, livre ses secrets. Aidé par des habitants de Nekmaria et du douar El Frachih, un universitaire de Mostaganem, qui accompagnait une équipe de l’ENTV venue couvrir la commémoration des enfumades du Dahra, organisée sous l’égide de l’université de Mostaganem, est descendu au fond de la grotte à travers un étroit passage. Arrivé au fond de la grotte, à plus de 3 m de profondeur, le groupe, composé de jeunes, d’adultes et même d’enfants, tous fils de la région, met alors à jour des ossements humains ainsi que des reliques.
L’exploration n’a été possible que grâce à l’utilisation de lampes torches rudimentaires. Elle a duré près de 30 longues minutes, un temps qui a paru immensément long eut égard à la sacralité de l’endroit et aussi à la présence avérée de restes humains qui gisent sous terre depuis exactement 166 ans. En effet, c’est ce même jour de juin 1845 que Pélissier et ses soldats entreprirent de mettre le feu aux entrées des grottes où s’étaient réfugiés les Ouled Ryah. L’exploration a vite permis de mettre à jour quelques objets ayant appartenu aux Ouled Ryah, notamment un bâton taillé dans du thuya et qui sert à maintenir les tentes des nomades ; il sert également à entraver les chèvres et les brebis.
Dans leur tâtonnement sous les pierres et dans un épais manteau de poussière, les explorateurs sont parvenus à extraire des os humains, dont un péroné en parfait état de conservation, une omoplate ainsi que plusieurs vertèbres cervicales.
Preuve irréfutable
Cette grotte est connue pour avoir été le théâtre d’une terrible enfumade fomentée par le colonel Pélissier les 18 et 19 juin 1845. Connu pour être l’un des pires massacres commis par l’armée française d’occupation, cette enfumade avait entraîné la mort, après de terribles et interminables souffrances, de plus de 1200 personnes, dont des vieillards, des femmes et des enfants appartenant tous à la tribu des Ouled Ryah, de fiers montagnards du Dahra qui ont été pourchassés jusque dans ce refuge par une colonne de 2500 hommes sous les ordres du colonel Pélissier. Ce dernier avait fait amasser des fascines avant d’y mettre le feu que la troupe entretiendra deux nuits durant, asphyxiant hommes et bêtes.
Cette mise à jour d’ossements humains intervient quelques jours à peine après la visite d’Alain Juppé, le ministre français des Affaires étrangères qui n’a pas hésité à balayer d’un revers de la main toute forme de reconnaissance des crimes et massacres coloniaux commis à l’encontre du peuple algérien par l’armée française d’occupation et, ce, durant 132 ans. Ce péroné, cette omoplate et ces vertèbres, remontés par les descendants des Ouled Ryah, en ce jour anniversaire des enfumades, sont la preuve irréfutable des horreurs commises sur des innocents. Elles sont une preuve éclatante que, malgré les reniements et les escapades de l’ancienne puissance coloniale, ces ossements, qui ressurgissent plus d’un siècle et demi après avoir été ensevelis, rappellent combien l’histoire coloniale a été injuste et sanguinaire. Cette découverte, qui intervient 166 ans, jour pour jour, après ces massacres, démontre que l’histoire des massacres coloniaux reste à écrire.
IRIB- Il y a de cela 169 ans, à Ghar El Frachih, plus d'un millier de personnes de la tribu des Ouled Ryah, furent enfumées.
Cela s'est passé, le 18 juin 1845. Les grottes de Ghar El Frachih se souviendront à jamais qu'ils furent le théâtre d'une odieuse extermination massive de populations civiles.
L'histoire moins oublieuse que ne le suppose ceux qui entendent l'écrire aujourd'hui ici ou ailleurs, à coup d'injonctions légales, retiendra que le crime fut commis contre des hommes, femmes et enfants pris au piège du refuge qu'ils avaient choisi pour un ultime acte de résistance devant la soldatesque coloniale. Plus d'un millier de personnes asphyxié, parce qu'elles ont osé se dresser contre l'occupation, mais sans aucun moyen de défense de nature militaire, face à une armée menée par des officiers en proie à la hargne sauvage, pour préparer les territoires à la colonisation, en y semant la mort et la désolation, avec une haine et une absence de retenue que l'histoire retiendra contre les colonels Pélissier et Bugeaud, comme une tache honteuse d'un crime contre l'humanité irrémissible. Le 18 juin 1845, le colonel Pélissier n'hésite pas à asphyxier plus de 1.000 personnes, hommes, femmes et enfants, des Ouled Riah, qui s'étaient réfugiées dans la grotte de Ghar-El-Frachih dans le Dahra. A ce propos, un soldat écrira pour la postérité : «Les grottes sont immenses ; on a compté 760 cadavres ; une soixantaine d'individus seulement sont sortis, aux trois quart morts ; quarante n'ont pu survivre ; dix sont à l'ambulance, dangereusement malades ; les dix derniers, qui peuvent se traîner encore, ont été mis en liberté pour retourner dans leurs tribus ; ils n'ont plus qu'à pleurer sur des ruines».
Suite à la résistance faite de harcèlement, d'embuscades par la tribu des Ouled Riah : la réaction des troupes françaises dépassera les normes de la guerre conventionnelle, mais aussi de l'horreur. Le général Bugeaud et ses troupes se lanceront contre la tribu des Ouled Riah, alliés de Boumaza. Après des combats violents, hommes, femmes et enfants soit près d'un millier de personnes se réfugient dans les grottes considérées comme inexpugnables et dans lesquelles ces tribus s'étaient déjà réfugiées durant la lutte contre la présence ottomane. Durant les pourparlers des coups de feu sont échangés et le colonel Pélissier ordonne d'amasser des combustibles devant l'ouverture des grottes appliquant les recommandations du général Bugeaud déjà mis en pratique «Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes dira-t-il, imitez Cavaignac aux Sbéhas ; fumez les à outrance, comme des renards», le sinistre stratagème ayant déjà été utilisé. Le feu est mis aux très nombreux bûchers qui ceinturent les cinq ouvertures qui commandent l'entrée des grottes, de nombreuses fascines enflammées sont jetées du haut des rochers devant l'entrée des grottes.
Après le forfait accomplit, le lendemain une compagnie formée d'hommes du génie et de tirailleurs, reçoit l'ordre de pénétrer dans les grottes. À l'entrée, des animaux dont on avait enveloppé la tête pour les empêcher de voir ou de mugir sont étendus à moitié calcinés. Puis ce sont des groupes effrayants, que la mort avait saisi, le spectacle était saisissant du fait que les cadavres jonchaient le sol. Des nouveau-nés gisaient enfin çà et là des masses de chair informes piétinées forment comme une sorte de bouillie humaine. Plus d'un millier d'enfants de femmes et d'hommes avaient été asphyxiés et brulés. Après ce massacre, Pélissier fait mine de consciences inquiètes et osera déclarer : «La peau d'un seul de mes tambours avait plus de prix que la vie de tous ces misérables». Cependant outre mer des voix s'élevèrent suite au crime perpétré par le général Pélissier, car le poète Lamartine, député dénoncera vigoureusement lors de la première session de l'assemblée parlementaire de 1846 les très nombreuses exactions : condamnant ainsi les massacres des populations, les incendies d'habitations, les destructions de moissons, d'arbres fruitiers, et la politique de la terre brûlée, en faisant allusion aux enfumades il dira : «Je pourrais vous parler d'autres actes qui y ont fait frémir d'horreur et de pitié la France entière les grottes du Dahra où une tribu entière a été lentement étouffée. J'ai les mains pleines d'horreur, je ne les ouvre qu'à moitié»! À Paris, on s'indigne lorsqu'on apprend les «enfumades». Sur le terrain également les méthodes de « pacification » préconisées par Bugeaud sont contestées par certains de ses subordonnés, en particulier Eugène Dubern. Les enfumades du 18 juin 1845 n'étaient pas les premières, pour ne pas oublier de citer, celles du 11 juin 1845 à Orléanville, «Chef» où le général Bugeaud, commandant en chef, avait conseillé à ses subordonnés d'enfumer les partisans de l'émir Abd El Kader peuplant la région du Chélif: «Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbéhas ! Enfumez-les à outrance comme des renards». D'autres enfumades avaient été perpétrées, telles que celles des Sbéhas le 11 juin 1844. Le Dahra, n'en continuera pas moins de payer un lourd tribu, après les enfumades de Ghar el Frachih, avec les emmurades des Sbehas (Ouled Sbih) d'Aïn-Merane du 8 au 12 août 1845 par Saint-Arnaud qui le 8 août 1845 ordonnera à ses soldats d'emmurer vivants 500 Algériens qui s'abritaient dans une grotte entre Ténès et Mostaganem (Aïn-Merane) et qui refusèrent de se rendre. Il déclarera : «Je fais boucher hermétiquement toutes les issues et je fais un vaste cimetière. La terre couvrira à jamais les cadavres de ces fanatiques. Personne n'est descendu dans les cavernes. Personne que moi ne sait qu'il y a dessous 500 brigands qui n'égorgeront plus les Français».
Les Pélissier et autre Bugeaud ont bafoué les valeurs les mieux partagées par les hommes au combat, et la France continue à profaner la mémoire des victimes, au-delà de tout entendement humain. Les enfumades du Dahra s'inscrivent dans la longue liste des crimes contre l'humanité et dans la barbarie la plus perverse qui s'est abattue sur les populations du Dahra L'oubli ne peut être consenti face à une vilénie et une forfaiture collective contre des innocents et il ne faut pas oublier que l'histoire de la colonisation recèle de pages truffées d'actes les plus inhumains infligés aux algériens et notamment aux populations du Dahra. Les populations du Dahra, garderont à jamais les stigmates de ceux qu'il suffira d'évoquer les noms pour donner au crime contre l'humanité sa définition la plus révoltante pour en laisser le Jugement à Dieu.
Benyahia Aek
Source Rélfexiondz
Voir aussi le site de Jacques Cros en cliquant sur le lien ci-dessous :
http://cessenon.centerblog.net/6570174-crime-de-guerre-en-algerie