Paris, 8 mai 2012.
Précisément un siècle, un an, un mois et un jour après sa naissance dans cette commune de l’arrondissement de Senlis (Oise), Mello a rendu hommage en même temps qu’honneur à la mémoire de Roger Gavoury* dans le cadre des cérémonies anniversaires du 8 mai 1945.
Son nom figure désormais sur le Monument aux Morts, fraîchement restauré.
Je vous propose de bien vouloir trouver en pièce jointe, pour information, la teneur du propos qui a été le mien en cette circonstance au cours de laquelle l’unité du monde combattant s’est manifestée de façon exemplaire.
Bien cordialement,
Jean-François Gavoury
Pupille de la Nation
Orphelin de guerre
Président l'Association nationale
pour la protection de la mémoire
des victimes de l'OAS (Anpromevo)
Cérémonie d'hommage à la mémoire de Roger Gavoury
le 8 mai 2012 à Mello (Oise)
*
Intervention de Jean-François Gavoury
Madame le maire de Mello,
Monsieur le vice-président du conseil général,
Monsieur le maire de Cires-les-Mello,
Messieurs les représentants du monde combattant,
Mesdames et Messieurs,
Les deux premiers tiers du siècle dernier ont été marqués par la guerre.
La plus longue d’entre elles a été celle d’Algérie :
- la plus longue à être reconnue telle et à prendre cette dénomination, trente-sept ans après sa cessation ;
- la plus longue à panser ses plaies, puisque cinquante années n’y ont pas suffi ;
- la plus longue, enfin et surtout, par sa durée : sept ans et plus (sept ans huit mois) et même bien davantage (dix-sept ans si, comme Mohammed Harbi, l’on fait remonter son début à un fait générateur survenu à Sétif il y a soixante-sept ans jour pour jour, un mardi, le 8 mai 1945 !).
Le nombre des événements survenus durant cette guerre est évidemment en corrélation avec sa durée. Certains d’entre eux ont été occultés par les pouvoirs publics, en particulier ceux se rapportant à la page franco-française du conflit, celle qui s’est écrite en 1961-1962.
Cependant, l’historienne Anne-Marie Duranton-Crabol, dans son ouvrage de 1995 intitulé "Le temps de l’OAS", a su voir dans l’assassinat de Roger Gavoury un "événement marqueur" dans l’histoire du mouvement factieux : "Cruel hommage, écrivait-elle, rendu à l’efficacité du commissaire d’Alger, payant les coups portés à l’Organisation par la cellule qu’il avait créée au sein de la sûreté urbaine."
Dès 1971, dans son livre "Le temps de la violence", l’ancien préfet de police d’Alger Vitalis Cros insistait sur le fait que l’assassinat du commissaire Gavoury avait tenu "une grande place dans la presse et à la radio". Cela est incontestable, et les journaux de l’époque en témoignent, ainsi que les archives sonores de l’INA : je renvoie aux documents de la phonothèque de l’Institut national de l'audiovisuel, aujourd’hui accessibles librement sur Internet.
Le temps aurait pu affecter cet événement. Il n’en est rien. On le doit, paradoxalement, à ceux qui ont cru devoir ériger en héros les assassins de ce serviteur de l’Etat, allant même jusqu’à le qualifier de traître à la patrie.
Osons le dire : aujourd’hui comme hier, la justice de la République a fonctionné. Les monuments révisionnistes magnifiant certaines figures réputées emblématiques de l’Algérie française - en fait des assassins multirécidivistes - ont été condamnés par le Conseil d’État.
Simultanément, les profanateurs de la mémoire de l’une de leurs victimes étaient pénalement sanctionnés au plus haut niveau de juridiction.
Madame le maire, je n’abuserai pas du temps de parole que vous avez bien voulu me laisser.
Ce n’est, en effet, ni à moi ni à mes frères ni à aucun des membres de la famille Gavoury de dire les mérites que l’enfant de Mello s’est acquis, durant sa carrière administrative, au service de l’intérêt général et de la sécurité de ses concitoyens.
Du reste, vous l’avez fait avec objectivité, exhaustivité et même émotion et point n’est besoin, me semble-t-il, d’abonder dans le registre du panégyrique posthume.
Ce qui importe et nous donne à réfléchir dans ce regard rétrospectif posé sur l’Algérie en guerre, c’est le fait que la sûreté nationale s’y est illustrée telle l’ultime rempart de la paix publique et de l’ordre républicain.
Imagine-t-on ce qu’il serait advenu, au moment où une partie de l’armée désertait, si la police avait à son tour versé dans l’insubordination ?
De la même façon, on doit saluer ces appelés du contingent qui ont refusé de s’inscrire dans la démarche de pronunciamento qui leur était proposée, sachant rester dans la fidélité à la République et dans l’obéissance à un Gouvernement tant légal que légitime.
Puisqu’elles nous font l’amitié et l’honneur de nous entourer en ce moment d’hommage à un Mort pour la France, sachons exprimer notre gratitude aux associations du monde combattant représentées ici :
Association républicaine des anciens combattants (ARAC) ;
Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (FNACA) ;
Fédération nationale des déportés et internés, résistants et patriotes (FNDIRP) ;
Union nationale des combattants – AFN.
L’Office national des anciens combattants et victimes de guerre est absent de cette manifestation. Mais j’ai reçu de son directeur départemental, M. Philippe Dumont, la déclaration suivante : « Je souhaite qu’en cette année marquant le cinquantième anniversaire de la fin de guerre en Algérie, la cérémonie d’hommage à Roger Gavoury permette aux habitants de Mello et, au-delà, à ceux de l’Oise, de mesurer l’ampleur du sacrifice consenti par votre père, mais également par tous ceux qui ont servi notre pays avec courage, honneur et dignité. ».
Saluons par conséquent la mémoire d’une autre victime de la guerre d’Algérie dont j’ai découvert le statut de Mort pour la France en même temps qu’un lien avec la commune de Mello en la personne de Jacques Govaert, né le 22 janvier 1941, et qui n’avait pas atteint l’âge de la majorité lorsque la mort l’a saisi, de l’autre côté de la Méditerranée, le 15 décembre 1961.
Merci, enfin, à Mme Juston, sous-préfet de Senlis, et à M. Françaix, député de la circonscription, pour leurs messages de sympathie adressés dans les jours précédant la présente cérémonie.