| TÉMOIGNAGE DE LA GUERRE D'ALGÉRIE |
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Georges (premier à droite) a vu les horreurs de la guerre dès son arrivée, dans l’hôpital de l’ancienne Philippeville (Skikda). Il a ensuite été posté non loin de la ville, dans une ferme et se souvient de ce 19 mars 1962, jour tant attendu du cessez-le-feu.
« Je voudrais vous raconter mon histoire. Celle du 19 mars 1962. J'étais en Algérie, ce jour de mars 1962, dans la région de Philippeville (désormais Skikda). J'avais 20 ans, j’avais été incorporé le 17 mars 1961 au 43e régiment d'infanterie à Lille. Après trois mois et demi de classe, ce fut le départ pour l'Algérie.
J'arrivais le 14 juillet 1961 après un périple de 24 heures, en pleine tempête, sur le bateau El Djezair. Malheureusement, je fus blessé accidentellement sur le pont durant la traversée. Dès l'arrivée sur le quai du port de Philippeville, sous haute surveillance militaire, je fus amené avec quatre copains de Lille à la caserne de France de Philippeville.
Je me rendis à l'infirmerie pour changer mon pansement (j'avais mon bras en écharpe) et voir le docteur, qui était absent pour cause de défilé. L'infirmier me fit un pansement sommaire et me dit que demain je serai affecté à la 3e compagnie du 16e régiment d'infanterie de marine.
Le lendemain je dus me rendre à l'hôpital pour un examen plus sérieux de mon bras. En arrivant à l'hôpital, je me suis trompé de salle et je suis entré dans une salle où on soignait un soldat qui venait de prendre une décharge de mitrailleuse dans le bas-ventre. Inutile de vous dire que j'entrais en plein dans ce qui était la guerre. C'est d’ailleurs à l’hôpital que, bien souvent, la guerre se montre.
Après quelques jours de soins, je fus transféré dans une ferme à une vingtaine de kilomètres de Philippeville, dans une compagnie avec des engagés, appelés, et une section harkis avec des opérations d’ouverture de voie ferrée, etc.
Cela dura un an quand arriva cette journée du 19 mars 1962. Je me souviens encore quand nous avons reçu à la radio le message suivant : « Aujourd'hui 19 mars 1962, le cessez-le-feu officiel vient d'être signé à 12 heures par les gouvernements français et algérien. » Quel soulagement ! Nous n'y croyions plus et, pourtant, c'était vrai. Ce fut la fête parmi les engagés, les appelés, les harkis et le propriétaire de la ferme.
Le soir le commandant de compagnie nous a tous réunis dans la cour pour nous l'annoncer officiellement, en particulier aux harkis. En leur disant ceci : « La guerre est finie, mais je vous conseille de partir en France car vous allez subir des règlements de compte et nous ne pourrons rien faire. » Il avait raison. De ce jour, les opérations dites militaires s’arrêtèrent. Bien sûr, les gardes continuèrent mais je reste persuadé, comme tous les soldats de cette époque, que sans le cessez-le-feu du 19 mars 1962, il y aurait eu bien plus de morts. »
Georges Glacet, Marly
La Voix Du Nord