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Le Monde consacre un Hors-série

 à l’indépendance de l’Algérie

http://boutique.lemonde.fr/hors-serie-monde-guerre-algerie.html

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Le journal « Le Monde » a consacré un Hors-série à la guerre d'indépendance nationale sous le titre générique " Guerre d'Algérie, mémoire parallèle " relevant que « cinquante ans après ce conflit force est de reconnaitre qu’il n’y a pas d’ « équivalence » de la violence qui renverrait dos à dos les deux adversaires.

« Le prix humain payé par l'Algérie   pour son indépendance est dix fois plus élevé que celui que la France a consenti pour tenter de maintenir son pouvoir sur la colonie », écrit l’éditorialiste dans un avant-propos où il estime que si la Guerre a dressé une barrière entre les deux pays, celle des « mémoires parallèles et du ressentiment, des volontés d’apaisement existent sur les deux rives » de la Méditerranée. Evoquant une « sale guerre », il soutient que celle-ci a opposé des nationalistes à l’Etat français, tous gouvernements confondus, sûr du « rôle positif » de la colonisation.

Sous le titre « Mémoires sous tension », l’historien Benjamin Stora observe qu’au moment où un travail de réconciliation pouvait commencer à la faveur notamment de l’année de l’Algérie en France en 2003, un « basculement » s’opère en 2005 et une « guerre des mémoires » s’installe ouvertement avec l’adoption par l’Assemblée française de la loi du 23 février 2005 glorifiant les « bienfaits d’une colonisation positive ».

Il estime que si les historiens aident à l’accomplissement du processus de sortie de la tension mémorielle par l’écriture de l’histoire, il appartient aux hommes politiques d’accomplir des « gestes politiques forts, significatifs, pour que se tourne la page de ce passé douloureux ».

Le militant et historien Mohammed Harbi soutient, dans un long entretien, que cinquante après, il est « trop tôt » pour aller vers une histoire commune.

« Mais, nous pouvons aller vers une histoire partagée », a-t-il dit, citant la réaction des historiens algériens et français qui, au lendemain de la loi de février 2005, ont travaillé de concert lors d’un colloque à Lyon.

« C’est bon signe. Mais rien ne peut se fonder sur l’oubli d’un côté comme de l’autre. L’important est de sortir de l’approche émotionnelle et du discours moral », a indiqué M. Harbi, un des acteurs de la lutte pour l’indépendance nationale, aujourd’hui établi en France où il est professeur à l’université Paris VIII.

Sur 100 pages, le numéro spécial (Février-Mars 2012) du journal Le Monde publie des reportages et des entretiens sur la guerre d’indépendance nationale dont un témoignage d’Henri Alleg, directeur du quotidien Alger républicain, sur la torture dont il a fait l’objet en 1955 et à propos de laquelle il consacra un ouvrage La Question, rédigé alors qu’il était détenu à la prison Barberousse (Serkadji).

« Grâce à la publication de cette lettre, j’étais devenu +quelqu’un+. Un Français à qui il ne fallait pas qu’il arrive la même chose qu’à Maurice Audin », témoigne-t-il.

Dans un autre entretien, l’historienne Raphaelle Branche soutient que la torture permettait de « terroriser la population et de lui rappeler la toute-puissance de la France ». « La torture était l’arme-clé de cette guerre : elle n’était pas fondamentalement utilisée parce qu’elle aurait permis de faire parler (qui dit la vérité sous la torture ?), mais parce qu’elle permettait de terroriser la population, de lui rappeler ainsi la toute-puissance de la France », explique-t-elle, signalant que les méthodes utilisées étaient elles-mêmes le signe de cette intention et la « gégène » la symbolise très exactement.

 

“GUÉRIRONS-NOUS?”

« La France autrefois, c’était un nom de pays, prenons garde que ce ne soit, en 1961, le nom d’une névrose », écrivait Jean-Paul Sartre dans la préface aux Damnés de la terre de Frantz Fanon. Il poursuivait son raisonnement par cette interrogation : « Guérirons-nous ? » Le philosophe avait raison de poser la question. C’est peu dire que, cinquante ans après, la guerre d’Algérie n’est pas encore entrée dans l’histoire. Dès que l’on évoque ce sujet, les passions reviennent, à coups de comptabilités macabres, de stèles, d’invectives et d’anathèmes. Les camps s’affrontent ou s’ignorent. Si la guerre d’Algérie a dressé une barrière entre l’Algérie et la France encore plus infranchissable que la Méditerranée, celle des mémoires parallèles et du ressentiment, des volontés d’apaisement existent sur les deux rives.
Il n’y a pas une mais des guerres d’Algérie. Un appelé, un officier parachutiste, un militant du MNA, un militant de la Fédération de France du FLN, un maquisard de l’ALN, un enfant algérien, un juif d’Algérie, un pied-noir rapatrié, un activiste de l’OAS, un harki racontent chacun une histoire différente. Et pourtant, il y a bien eu une seule guerre en Algérie. On ne l’appelle comme ça officiellement que depuis 1999. Et ce fut une « sale guerre ». Elle a opposé une poignée de nationalistes à l’Etat français, tous gouvernements confondus, sûr du rôle positif de la colonisation et empêtré dans une injonction contradictoire : répondre au souhait d’indépendance des Algériens dans un contexte mondial de décolonisation et gérer le destin du million d’Européens vivant dans le pays depuis fort longtemps. Quand commémorer la fin de la guerre d’Algérie ? Encore faut-il savoir quelle date choisir… Celle des accords d’Evian, le 18 mars 1962, paraîtrait raisonnable. Côté français et côté algérien, c’est celle du cessez-le-feu qui intervient le lendemain. Mais cette date ne marque pas malheureusement la fin des hostilités, et c’est bien le problème. Suivront la folie meurtrière de l’OAS, la crise du FLN, l’exode dramatique des pieds-noirs et le massacre honteux des harkis abandonnés par la métropole. Sans repentance et sans amnésie, force est de reconnaître qu’il n’y a pas d’équivalence de la violence qui renverrait dos à dos les deux adversaires. Le prix humain payé par l’Algérie pour son indépendance est dix fois plus élevé que celui que la France a consenti pour tenter de maintenir son pouvoir sur la colonie.
Alors, comment commémorer la fin de la guerre d’Algérie ? Si on se prend à rêver en cette année du cinquantenaire du cessez-le-feu en Algérie, on aurait aimé une « paix des braves », comme aurait dit le général de Gaulle. Une visite officielle du président de la République française à Alger marquée par une poignée de main avec son homologue algérien devant des vétérans des deux camps, des colloques, des échanges d’archives, pourquoi pas un monument franco-algérien à Alger et un autre à Paris, et ensuite, au 14-Juillet, un défilé des troupes algériennes aux côtés de leurs anciens adversaires français sur les Champs-Elysées ? La guerre des mémoires aurait fait place au temps de l’histoire. Mais soyons patients, le temps de la guérison approche.

Michel Lefebvre

 

 

 

 

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