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http://www.lanouvellerepublique.fr/Toute-zone/Loisirs/Livres-cd-dvd/n/Contenus/Articles/2012/02/26/Guerre-d-Algerie-un-livre-pour-provoquer-le-debat

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Claude Juin était sous-officier durant la guerre d'Algérie. Il a séjourné de l'autre côte de la Méditerranée pendant vingt-cinq mois. - (Photo NR, Éric Pollet)

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Prolongement de la thèse qui lui a permis d'obtenir un doctorat en sociologie, ce quatrième livre de Claude Juin s'ouvre sur un titre provocateur « pour mieux amorcer le débat » espère l'intéressé. - (Photo NR, Éric Pollet)

Guerre d'Algérie : un livre pour provoquer le débat

 

Claude Juin publie son quatrième livre “ Des soldats tortionnaires ” pour, dit-il, “engager le dialogue” mais, a priori, pas la polémique.

Il en a été. Pendant vingt-cinq mois. Un vrai traumatisme, un vrai questionnement. 1957 et 1958, deux années de « sous-off » en Algérie. L'épreuve de la peur, de la crainte et finalement de la honte. Celle d'avoir participé à une vraie guerre, lui, comme beaucoup d'autres, enfants de 39-45.

A 76 ans, Claude Juin continue de s'interroger sur cette guerre qui pendant longtemps n'a pas voulu dire son nom, de l'autre côté de la Méditerranée. A la veille du cinquantième anniversaire des accords d'Évian qui, pour lui, scellent officiellement la fin de ce conflit, il revient sur ces « jeunes gens ordinaires confrontés à l'intolérable », sous-titre de l'ouvrage intitulé, largement provocateur, « Des soldats tortionnaires ».

 " Le sentiment que les souffrances vécues sont passées inaperçues "

« Ce livre, c'est le fruit d'une question : comment se fait-il qu'au niveau de l'État et de l'opinion, la guerre d'Algérie est un événement, qui, semble-t-il et pendant longtemps, n'avait pas existé si ce n'est pour entretenir une certaine polémique ? ». L'ancien maire de Bessines, récent « thésard », explique le contexte de ces jeunes appelés du contingent partis là-bas, par obligation, véritables « malgré eux » endossant l'uniforme, la gourde dans une main, l'arme automatique dans l'autre. « Ces hommes, les souffrances qu'ils ont vécues, on a le sentiment que c'est passé inaperçu » clame, haut et fort, Claude Juin. Il revendique son appartenance aux anciens d'Algérie qui ont osé dénoncer les exactions de l'armée française. « Cette pacification à laquelle on nous conviait était bien une guerre entre les Européens et les indigènes et nous n'y étions pas préparés. On était appelé en Algérie pour dix-huit mois de service militaire mais on partait à la guerre et, pour beaucoup, pour vingt-quatre mois et plus ». Le souvenir de la quille toute proche mais annulée par un maintien prolongé sous les drapeaux, martyrise encore aujourd'hui Claude Juin, l'insoumis devenu frondeur. « Je suis de ces gens ordinaires qui sont devenus, à partir de 57-58, des gens à part parce qu'ils ont osé dénoncer cette guerre à laquelle ils ont participé. »

Des témoignages forts

Dans le long chapitre consacré à la torture, au milieu de la guérilla et de la haine, Claude Juin a recueilli de nombreux témoignages poignants et douloureux. Il n'a pas forcément envie de rouvrir des plaies parfois mal cicatrisées ou qui ne cicatriseront jamais mais il a multiplié les rencontres pour ne conserver que les récits de « soldats d'alors, encore capables aujourd'hui de parler de leur histoire et d'en faire une analyse, ce qui n'est pas facile du tout ». Son livre s'appuie sur des recherches de plusieurs années, « mais elles n'interdisent pas la contradiction » souligne encore l'auteur comme s'il voulait ouvrir toutes grandes les portes du débat. « Je sais que le titre est provocateur mais c'est un raccourci. Il faut entrer dans les pages. Oui, cet ouvrage est destiné à nourrir le débat autour de ce que l'on a longtemps appelé les " Événements en Algérie " » conclut-il.

nr.niort@nrco.fr

 « Des soldats tortionnaires » sous-titré « Guerre d'Algérie : des jeunes gens ordinaires confrontés à l'intolérable » est publié aux Éditions Robert Laffont dans la collection « Le monde comme il va ». Prix de vente : 21 €

Profil

> Claude Juin est aujourd'hui âgé de 76 ans. > Il a longtemps exercé le métier de directeur des ressources humaines. Dans une entreprise de Calais puis dans le groupe Rougier et à Paris, au sein de l'Agence nationale pour l'emploi, jusqu'en 1984. > De 1984 à 1993, il occupe la fonction de Directeur régional de la formation professionnelle. > Il devient professeur d'université jusqu'à sa retraite, en 1995. > Il a été maire de Bessines (où il réside encore aujourd'hui) de 1983 à 1995. > Avant ce livre, Claude Juin a déjà publié « Daniel Mayer (1906-1996) : l'homme qui aurait pu tout changer » (Romillat, 1998) ; « Liberté… justice… : le combat de Daniel Mayer » (Anthropos, 1983) ; « Le Gâchis » publié sous le pseudonyme de Jacques Tissier (les Éditeurs français réunis, 1960).

Philippe Barbotte

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http://www.sudouest.fr/2012/02/26/soldats-tortionnaires-643552-602.php

   « Soldats tortionnaires »

Cinquante ans après la fin de la guerre d'Algérie, le sociologue Claude Juin explique comment de jeunes appelés en sont venus à commettre l'intolérable et à banaliser la torture. Édifiant.

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Adolescent algérien contraint d'ouvrir la route à des soldats français pour les protéger des mines. (photo Claude juin)

Le 19 mars 1962, les accords d'Évian mettaient fin à la guerre d'Algérie. Un demi- siècle plus tard, la mémoire de ce conflit, qui a coûté la vie à près de 30 000 Français et à plusieurs centaines de milliers d'autochtones selon la terminologie en vigueur de l'époque, reste toujours douloureuse. S'il fallait distinguer un ouvrage parmi ceux dont la publication est annoncée à l'occasion de ce cinquantième anniversaire, ce serait sans doute « Des soldats tortionnaires », du sociologue Claude Juin.

Cette enquête historique, nourrie par les écrits et les lettres des appelés du contingent, fait écho au magnifique roman de Laurent Mauvignier « Des hommes », paru il y a trois ans. De 1954 à 1962, 1 million et demi de jeunes Français ont servi en Algérie. Claude Juin était l'un d'eux. « La seule vision que les jeunes soldats avaient avant leur départ de l'Arabe était celle du '' bicot'' en France qui vidait les ordures et tenait le marteau-piqueur, observe-t-il. Dans l'imagerie populaire, il était l'individu tout juste bon pour les basses besognes. »

Avant de franchir la Méditerranée, l'Algérie ne les intéressait pas. Une fois sur place, au contact d'une population dont ils ne comprennent ni la langue ni les mœurs, ils sont comme désemparés. Et pris entre deux discours. Le gouvernement leur donne à la fois l'ordre de pacifier et de réprimer. De réprimer sans faiblesse. 

Tenaillés par la peur

Confrontée à une guérilla insaisissable, l'armée use de tous les moyens pour « détruire les terroristes ». Les appelés n'ont pas envie de se battre. Mais ils n'ont guère le choix. « La peur était leur quotidien. Elle les tenaillait, métamorphosait leur nature. Ils troquaient sans le savoir leur humanité contre une obscure sauvagerie », insiste Claude Juin. Aujourd'hui encore, nombre de survivants se refusent à évoquer ces moments où ils ont été confrontés à l'intolérable.

« Ce qu'on reproche aux Allemands en parlant d'Oradour, on l'a fait et on le refait encore, écrit Alain, sergent dans les transmissions. Seulement, ce sont des "bougnoules", alors, n'est-ce pas... Pourquoi se gêner. L'ensemble des gars, s'ils trouvent les colons dégueulasses, n'en ont pas moins une mentalité à peu près semblable vis-à-vis de l'indigène : un mépris généralisé qui fait mal. » Et annonce l'engrenage de la violence et de la torture.

Les lettres et les récits collectés par Claude Juin racontent les villages incendiés, les charniers, les aveux extorqués à la gégène, les viols, les suspects égorgés pendant la nuit et enterrés à l'aube. Autant de crimes commis contre un peuple luttant pour son indépendance qui laissent toujours un goût de cendres dans la bouche des appelés. Ils commencent à peine à mettre des mots sur l'horreur qu'ils ont côtoyée. Sans que personne n'en fasse grand cas. Si ce n'est peut être la Turquie, quand elle rappelle à la France son passif algérien lorsque celle-ci la somme de faire repentance à propos du génocide arménien !

« Des soldats tortionnaires », de Claude Juin, éd. Robert Laffont, 363 p., 21 €.

Laurent Mauvignier · littérature

 

 

 

 

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