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La polémique se poursuit sur Béziers à propos de ce film et de la position d’Elie Aboud.
Que l’exode des Pieds Noirs en 1962 ait été un drame n’est pas niable. Mais acceptons d’analyser les causes de ce drame.
Il est le dénouement d’une histoire qui commence en 1830 avec la conquête de l’Algérie, laquelle se poursuit pendant 132 ans de colonialisme dont presque 8 d’une guerre atroce et sans autre issue que l’indépendance du pays.
Qu’est-ce qui a conduit les Algériens à refuser la domination de la France ? A coup sûr la situation qui leur était faite. Exploitation, spoliation, racisme… étaient le lot de l’immense majorité des autochtones.
Pour autant peut-on dire que les Pieds Noirs étaient tous bénéficiaires du colonialisme ? Sûrement pas, il y avait parmi eux autant de petites gens qu’en France, avec souvent des situations sociales moins enviables. Il y avait aussi une conscience de classe chez nombre d’entre eux.
Ceci étant, on avait introduit dans la tête de tous qu’il n’y avait pas d’autre alternative pour eux que le maintien de l’Algérie française. Evidemment on était là à contrecourant de l’évolution des choses et on n’avait en rien préparé les esprits à une autre perspective.
Depuis la conquête la domination française se faisait avec la force armée. Bien sûr ça ne pouvait pas durer indéfiniment. La solution militaire n’est jamais une solution à long terme.
Finalement on peut dire que les Pieds Noirs ont été les acteurs et les victimes du colonialisme.
Mais ils n’ont pas été les seules victimes. Le peuple algérien a eu la part la plus lourde dans le passif du colonialisme. Les harkis qu’on a engagés à prendre les armes contre leurs frères et qu’on a abandonnés après qu’il ait fallu se rendre à l’évidence, à savoir le droit des Algériens à l’indépendance, n’ont pas non plus été à la fête.
Le plus souvent on oublie ce qu’on a fait subir aux appelés du contingent qu’on a envoyés faire une guerre qu’ils n’approuvaient pas. Ils y ont perdu de longs mois de leur jeunesse, leur santé quelquefois et pour certains leur vie. Je ne dis pas de ceux là qu’ils sont morts pour la France non, la France n’avait aucun intérêt à poursuivre ses opérations militaires. Ils sont morts pour rien, simplement en raison de l’incompréhension des hommes politiques de l’époque.
Une incompréhension tenace chez certains qui nous vantent aujourd’hui encore les bienfaits du colonialisme avec en particulier le rôle positif de la présence française en Algérie !
Oui, il y avait d’autres solutions pour les Pieds Noirs que l’exode. Mais il aurait fallu accepter d’autres rapports entre les communautés que ceux qui avaient prévalu jusque là, une autre fin que la politique de terre brûlée pratiquée par l’OAS. Je ne sais pas ce qui leur aurait convenu le mieux : avoir la nationalité algérienne ou garder la nationalité française et vivre en Algérie avec le statut d’étranger ?
Moi qui ne suis pas d’un naturel belliciste j’aurais pris les armes contre ceux qui s’opposaient à la paix qui venait d’être conclue avec les accords d’Evian lesquels se traduisaient le 19 mars 1962 (une date à retenir !) par le cessez-le feu.
Les tenants du capitalisme, Elie Aboud est de ceux là, sont prêts à toutes les violences, tous les autoritarismes, pour maintenir un système en pleine crise. C’est ce qui explique sa collusion avec les nostalgériques de tout poil, y compris avec les partisans du colonialisme et son aboutissement logique, l’OAS et ses héritiers du Front National.
Oui, ce rapprochement n’est pas de nature à affaiblir son concurrent de la droite extrême. Au contraire on peut craindre qu’il n’aboutisse à lui donner encore plus d’audience ce qui au demeurant ne constitue en aucune façon une réponse aux douloureuses questions sociales que nous connaissons. Mais Elie Aboud n’en a cure !
Et pour le cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie on ne va surtout pas parler de ce qu’ont été les cent trente deux ans de colonialisme ni les presque huit ans de guerre, on va rester zen ! C’est l’avis de Juppé, ministre des affaires étrangères, qui ne voit aucun rapport entre les exactions de l’armée en Algérie et le génocide arménien !
« La valise ou le cercueil » à Zinga Zanga
Sans que la salle soit pleine il y avait beaucoup de monde pour assister à la projection du film de Charly Cassan et Marie Havenel. Je me suis fait tout petit et je me suis glissé subrepticement dans le public sans faire de vague. Je n’étais pas au milieu d’amis !
Ce n’est pas un film historique mais un film de propagande. Il entend réécrire la saga de l’Algérie en gommant de larges pans de ce qu’elle a vécu. Le plus patent sans doute c’est l’absence dans les images des appelés du contingent qu’on avait pourtant envoyés par centaines de milliers dans les opérations de maintien de l’ordre. De l’ordre colonial bien entendu !
Mais le colonialisme non plus, on n’en parle pas. Le débarquement à Sidi Ferruch le 14 juin 1830 ? Certes l’affaire du coup d’éventail reçu par le consul Duval est reconnue pour ce qu’elle est, un prétexte ! Non, Alger est un repaire de Barbaresques qui se livrent au commerce des esclaves et, condamnation sans appel, d’esclaves blancs. Parce que quand il s’agit de noirs on est moins regardant et la Traite des Nègres à laquelle s’est livrée la France pendant des siècles est une peccadille !
Les Européens viennent mettre en valeur un pays laissé à l’abandon par les autochtones qu’au demeurant l’armée française a libéré des Ottomans et de leurs janissaires. Ils sont très bien les colons, respectueux des premiers occupants, de leur religion, de leur mode de vie, de leur identité… Ils ne sont quand même pas accueillis à bras ouverts et il faudra attendre 1847 pour obtenir la reddition d’Abdel Kader.
Les événements de Sétif et de Guelma le 8 mai 1945 ? Ce n’est pas si dramatique qu’on l’a dit. Européens et Maghrébins auraient dû fêter en communion la victoire sur le nazisme. Quelle idée de poser alors la question de l’indépendance de l’Algérie ?
Oui, pourquoi les Arabes et les Kabyles voulaient cette indépendance ? Ils n’étaient pas bien avec tout ce que la France leur apportait en matière de civilisation ? Il faut croire que ces populations sont masochistes !
Ah, la Légion qui défile à Sidi Bel-Abbès ! Elle le fait dans un ordre parfait qui inspire la confiance. C’est que dans ce pays on a quand même besoin en permanence de la force armée et ça date de la conquête de l’Algérie !
L’histoire va s’accélérer en 1954. Oui, le terrorisme aveugle c’est atroce mais pourquoi ne s’est-on pas interrogé sur ce qui l’engendrait ?
Du coup d’Etat ramenant De Gaulle au pouvoir en 1958 aux journées des barricades à Alger en 1960 jusqu’au putsch manqué d’avril 1961 on assiste aux soubresauts d’une guerre qui n’en finit pas.
Pourtant le 19 mars 1962 c’est le cessez-le-feu, quelque chose d’insupportable pour la majorité des Pieds Noirs qui le 26 mars répondent à un mot d’ordre de l’OAS et se font massacrer dans la rue d’Isly. Ce jour là j’étais à Géryville, j’ai été témoin de violences faites aux Algériens qui manifestaient leur joie par des militaires d’origine Pied Noir qui n’acceptaient pas cette évolution des choses.
L’exode ? Oui c’était sûrement douloureux mais pouvait-on s’empêcher de penser qu’il aurait fallu d’autres rapports entre les communautés que celles qui avaient prévalu pendant cent trente deux ans de colonialisme dont huit d’une guerre atroce et quelques mois d’une politique de terre brûlée pratiquée par l’OAS, à Oran notamment ?
Les harkis ? Mais dans quelle galère les avait-on embarqués ? Pauvres gens qui se sont fait avoir par ceux là même qui prétendaient les défendre ! J’ai connu le camp du Plô de Mailhac à Saint-Pons-de-Thomières. On y avait reproduit les mêmes mentalités que sous la domination coloniale ! On ne gagne jamais rien à se soumettre à celui qui vous domine !
Je ne suis pas de ceux qui ont porté De Gaulle sur les fonts baptismaux et je rappelle que sous son autorité la guerre a duré plus de temps que sous tous les autres dirigeants de la République. Que voulait-on de plus ? Continuer la guerre ?
Le retour, au cours de voyages du souvenir, de Pieds Noirs en Algérie a encore des relents de racisme. Sans eux c’est la ruine ! Et n’oublions pas non plus cette appréciation d’un Pied Noir qui a choisi l’Espagne pour s’y installer après l’indépendance de l’Algérie « On a été bien accueillis par Franco ! »
Je crois sincèrement qu’il n’y a pas de dialogue possible avec des gens qui n’ont rien appris et rien oublié !
Jacques CROS
REPONSE DE JACQUES CROS A L’UN DES NOMBREUX COMMENTAIRES DES EXTREMISTES NOSTALGERIQUES DONT CELUI-CI. VOUS POUVEZ ENVOYER DES MESSAGES A CE MONSIEUR A L’ADRESSE CI-DESSOUS :
De gabriel.guenassia@aliceadsl.fr
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A A l'attention de j.cros.
Vous nous traitez de colonialiste , et bien je suis fier d'avoir fait partie avec mes familles de ceux qui ont structuré l'Algérie Française. Mon oncle instituteur allait chercher les filles dans les familles musulmanes pour qu'elles apprennent en même temps que les garçons car les arabes ne voulaient pas que les filles s'émancipent.
Mes grands oncles, mes deux grands-pères, mon père ne sont pas posés de questions quand il a fallu combattre pour que vive la République Française (j'ai tous les livrets militaires) alors qu'il ne se passait rien en Algérie... Si certains appelés et engagés se posent encore la question de savoir pourquoi ils ont combattu sur un territoire français alors que nous étions assassinés, je les laisse avec leurs états d'âme mais l'Algérie était un territoire français et bien avant avec des maltais des italiens, des juifs et berbères et très peu d'arabes fellagahs venus d'ailleurs (Nasser par exemple).
Nous sommes en colère non pas d'avoir perdu notre terre mais de savoir que des amnésiques comme vous oublient le fait que vous avez désarmé les harkis, vous les avez livrés au FLN, à des chiens sans aucun accord puisqu’ Evian est une mascarade. Pour terminer je ne vous pardonne pas d'avoir fait tirer sur des Français le jour des barricades.
Restez avec vos idées et surtout taisez-vous cela nous fera le plus grand bien.
REPONSE DE NOTRE AMI JACQUES CROS
Michel Dandelot m'a transmis le commentaire que vous avez envoyé à la suite de la publication de mon article sur le film "La valise ou le cercueil".
Je me permets de vous donner mon sentiment à son sujet.
La guerre est quelque chose d'atroce, celle de 14/18 l'a été plus que les précédentes. Il aurait mieux valu qu'elle n'ait pas eu lieu ! Cela nous aurait sans doute évité celle de 39/45 !
Il n'y a hélas pas que les Européens d'Algérie qui y ont participé et la France avait réussi ce tour de force d'enrôler pour l'horrible boucherie les peuples qui étaient sous sa domination ! Les tirailleurs sénégalais, marocains, algériens... ont fourni en abondance de la chair à canon !
La guerre d'Algérie a été atroce elle aussi et dans un registre sensiblement différent des deux guerres mondiales que nous avons connues. On ne m'a pas laissé le choix, pas plus qu'à l'ensemble des appelés du contingent qui l'ont faite. Si le choix leur avait été laissé il n'y aurait pas eu beaucoup de volontaires !
Je ne rends pas les Pieds Noirs responsables de la conquête de l'Algérie mais on s'est engagé là dans une aventure dont nous connaissons l'issue, douloureuse pour les Européens qui vivaient dans un pays qui était également le leur.
On ne peut pas refaire l'histoire mais si on le pouvait il faudrait convenir d'autres rapports entre les communautés que ceux qui prévalaient. Certes il y avait parmi les Pieds Noirs des gens de condition modeste.
Leur situation était souvent plus difficile que les Français de métropole. Ils pouvaient avoir des idées progressistes, c'était le cas à Sidi Bel-Abbès et à Oran où ils avaient élu une municipalité communiste.
Ça ne les a pas empêchés de fournir à Oran les bataillons de l'OAS cette organisation fasciste qui a pratiqué la politique de terre brûlée que nous avons connue et commis des crimes horribles.
Je n'ai personnellement pas pu embarquer dans le port d'Oran quand j'ai été libéré de mes obligations militaires en avril 1962, il m'a fallu le faire à Mers el Kébir.
Je le dis très tranquillement, pendant la guerre d'Algérie j'avais plus de sympathie pour ceux qui étaient en face que pour les autres et je peux vous assurer qu'à la mesure de mes forces je lutterai jusqu'à la fin de ma vie pour dénoncer cette guerre coloniale, anachronique et sans issue pour laquelle on a volé vingt six mois de ma jeunesse, un vol qui a encore des séquelles aujourd'hui.
Pour ce qui est des harkis ce n'est sûrement pas moi qui les ai entraînés dans l'aventure que nous savons. La France a du sang sur les mains d'avoir fait se battre les Algériens entre eux.
Chacun doit pouvoir choisir sa religion en toute liberté, personnellement je n'en ai pas, mais je reconnais aux Algériens le droit d'être musulmans s'ils le souhaitent.
La situation de la femme dans cette religion peut poser problème, comme tout au long de l'histoire la religion catholique en a posé chez nous.
Je me garde bien de porter jugement sur le sujet avec des relents racistes comme le font bon nombre de nos compatriotes.
Après la fin de la guerre en 1962 et mon retour à la vie civile j'avais réussi à évacuer le ressentiment que j'étais tenté d'avoir à l'égard des Pieds Noirs.
Avec le regain d'activité des nostalgériques, des tenants de l'idéologie colonialiste et de l'OAS qui en est l'aboutissement logique, mes sentiments sont en train d'évoluer !
J'aurais préféré me réconcilier mais dans cette optique ce n'est guère possible !
Message de Jean-François Drillien président du Comité Chalon Ville de la FNACA adressé à
Monsieur Guenassia,
Permettez-moi, après avoir pris connaissance de votre message à J. CROS, de vous faire part de quelques réflexions.
Il est évident que vous avez très mal vécu votre situation de rapatrié, après l'exode de 1962 où vous avez rejoint l'hexagone en ayant tout laissé " là-bas". Vous avez été obligé de repartir de rien, en milieu parfois hostile. Cela personne ne peut le nier et nous avons conscience de toutes les difficultés qu'il vous a fallu surmonter pour réussir votre intégration.
Nous pouvons comprendre également votre fierté lorsque vous pensez à tout ce que votre père instituteur a fait pour les Algériens dans le cadre de ses fonctions et tout le travail accompli par vos ancêtres pour "structurer l'Algérie française"...
Mais vous aussi, faites un effort d'objectivité quelques instants, en laissant de côté la colère qui vous ronge. Si vous êtes homme de bonne volonté comme je crois, vous pourrez comprendre notre point de vue. Nous les rappelés, les appelés, sommes allés accomplir notre service militaire en Algérie, alors qu'il ne se passait rien en métropole, au même titre que vos "grands-oncles, grands-pères... qui ont combattu pour que vive la République Française, alors qu'il ne se passait rien en Algérie".
Nous avons été profondément choqués, alors que nous débarquions de métropole, de découvrir une Algérie à deux vitesses : celle des FSE (français de souche européenne) d'une part, et celle des FSNA (français de souche nord africaine) d'autre part ; les dominants (900 mille), les dominés (9 millions).
Que dire de la répartition des richesses ? Certainement bien supérieure de 1 à 10. Qui avait le pouvoir, les postes clés... ? Que penser du code de l'indigénat ? Choqués également de découvrir l'extrême pauvreté et l'état de dénuement total des fellahs. On se croyait revenu au moyen-âge, des gens en haillons, vivant misérablement dans des gourbis, avec pour tout bien un ou 2 moutons, quelques poules et un âne pour les plus fortunés. Que dire pour les enfants réduits pour la plupart à la mendicité ?
Cent trente-deux ans après la conquête et l'apport des bienfaits de notre belle civilisation censée leur apporter bien-être, richesses, valeurs morales...? Quelles désillusions pour nous en constatant tout cela !
Votre père, en instituteur zélé qu'il était, devait certainement expliquer les bases de notre société aux petits musulmans (les quelques-uns qui avaient la chance d'être scolarisés) leur apprendre (nos ancêtres les gaulois) et les grands principes de Liberté, Egalité, Fraternité.
Ce que vous viviez en Algérie était la suite logique d'un état d'esprit, d'une vision qui n'était plus d'actualité. Les premiers conquérants, dont vous êtes héritier (4ème et peut-être 5ème génération) ont certainement fait de grandes choses, mais à quel prix, au détriment de qui ? Quels ont été les principaux bénéficiaires ? Les trop grandes inégalités, les injustices engendrent la rancoeur, conduisent à la révolte. Quand on bénéficie de privilèges qui font partie de notre quotidien, on trouve cela normal et on ne se pose pas de questions, c'est dans la logique des choses. Vous avez été les victimes bien involontaires d'une situation antérieure qui n'était plus d'actualité. L'heure était à l'émancipation, à la Liberté. Cela, les jusqu'aux-boutistes de l'Algérie française ne l'ont malheureusement pas compris. Ils ont manipulé les pieds-noirs et les ont entrainés vers une violence toujours plus extrême dont les principaux acteurs ont été les fanatiques de l'OAS. Sans eux, sans leur politique de la terre brûlée il eut peut-être été possible de trouver des solutions. Mais vous, pieds-noirs étiez-vous prêts psychologiquement à accepter de reconnaître les FSNA comme vos égaux, à accepter d'être commandés par eux... ? Beaucoup avaient à leur service un "Ali" ou une " Fatima" traité avec plus ou moins de condescendance, pour ne pas dire plus, payé bien souvent bien en-dessous de ce que l’on pouvait appeler le SMIG. Nous étions aimés, nous l'avons entendu dire. Mais le proverbe arabe dit : " baise la main que tu ne peux couper ".
Une autre question que vous avez soulevée relative aux barricades. En ce qui me concerne personnellement, je n'oublierai jamais les tirs depuis les terrasses des immeubles, de vos corréligionnaires.
Jean-François Drillien
UN NOUVEL ARTICLE DE NOTRE AMI
JACQUES CROS
La délicate question des harkis
La France et son armée coloniale avaient réussi à faire se battre entre eux les Algériens. Pour ce faire elle avait embauché des supplétifs que l’on désigne aujourd’hui sous le terme générique de harkis même si les situations administratives entre ces supplétifs (harkis, moghaznis…) étaient sensiblement différentes.
Comme l’Algérie c’était la France, cette idée n’était pas discutable, les jeunes Algériens étaient appelés sous les drapeaux, au même titre que les Français de métropole. Certains essayaient de se soustraire à cette obligation mais n’avaient que le choix entre rejoindre les maquis du FLN ou s’exiler à l’étranger.
J’ai le souvenir d’avoir demandé à un jeune Maghrébin de Saint Ouen, membre des Jeunesses Communistes comment il se trouvait là, incorporé comme moi dans l’armée française. Il m’avait expliqué qu’il avait tenté à deux reprises de partir en Belgique mais qu’il avait été repris. Il attendait sa permission pour une troisième tentative.
Quelles étaient les motivations des harkis ? Elles étaient sûrement diverses. La solde qui leur était attribuée, de l’ordre de 10 F par jour, a dû être déterminante pour plusieurs.
D’autres facteurs ont également joué. Pour ceux qui avaient connu la torture de l’armée française, la peur de la connaître à nouveau en était un. L’état de l’ALN, qui ne lésinait pas avec la vie de ses combattants, a dû en être un autre. Sans compter les problèmes relationnels qui se multipliaient dans un contexte de plus en plus complexe et difficile.
Dans le cantonnement de Bou-Ktoub où je suis resté quatorze mois il y avait une harka d’une trentaine d’hommes commandée par un maréchal des logis du nom de Lucien Dugardin, un communiste de Roubaix, que j’ai eu l’occasion d’accueillir chez moi il y a trois ou quatre ans. Je n’ai pratiquement pas eu de contact avec ces harkis. Curieusement l’un d’eux avait manifesté un antisémitisme violent. Selon lui c’étaient les Juifs qui étaient responsables de la situation !
Il est clair que je n’avais pas de sympathie particulière pour les harkis. J’étais pour la paix et donc pour l’indépendance de l’Algérie. J’estimais qu’ils étaient un obstacle à ces objectifs et pour tout avouer je me sentais plus proche des Algériens d’en face que de ceux qui étaient avec nous !
J’ai eu l’occasion, c’était au début de 1962, et je n’étais plus à Bou-Ktoub mais aux Arbaouet, alors que nous partions en opération, d’être dans le même GMC qu’un harki qui nous accompagnait car il devait connaître le terrain sur lequel nous allions. Il était impressionnant par la détermination qui se lisait sur son visage et par une efficacité qui devait être redoutable. Tout à fait le contraire de ce que j’étais.
A Saïda le commando Georges était formé d’Algériens qui étaient souvent, sinon tous, d’anciens fellaghas. Ils ne faisaient pas de cadeau à ceux, pourtant leurs compatriotes, qui étaient dans l’autre camp. Comment ne pas estimer que le choix qu’ils avaient fait n’était pas le bon ?
Sans doute est-il nécessaire de rappeler ici que les enfants ne sont en rien responsables de la voie qu’avaient suivie leurs parents !
Plus tard, en juin 63, j’ai eu l’occasion de voir le camp du Plô de Mailhac près de Saint-Pons-de-Thomières où j’étais instituteur. J’en ai parlé par ailleurs. Outre les conditions d’hébergement, déplorables, on avait reconduit là le même état d’esprit, raciste et dominateur, que dans l’Algérie coloniale. En fait le Plô de Mailhac était un ghetto !
Le sentiment que j’ai eu a été alors de la pitié pour des gens qu’on avait entraînés dans une aventure sans espoir puis continué à mépriser comme c’était le lot de l’immense majorité des Algériens jusqu’à l’indépendance de leur pays.
J’ai appris par la suite le sort qui avait été réservé à ceux qui étaient restés en Algérie. Il a bien dû alors se trouver là-bas des résistants de la dernière heure pour qui c’était plus facile de massacrer des harkis que de participer à la lutte contre la puissance coloniale ! On a connu le même phénomène en France à la Libération.
Reste qu’il faut tirer les enseignements du drame des harkis. On ne gagne rien à se soumettre, ici à la puissance coloniale, ailleurs au patronat !
Et vive l’armée française !
Jacques Cros