Lettre ouverte à Hubert Falco : L’association Harkis et Droits de demande la démission du général Bertrand de la Presle du conseil d’administration de la Fondation |
Monsieur le Secrétaire d’Etat,
Nous demandons que le général Bertrand de la Presle ne soit plus membre du Conseil d’administration de la Fondation. En effet, alors que vous avez installé la Fondation le 19 octobre 2010, avec des paroles rassurantes sur son fonctionnement, il apparait que la nomination du général Bertrand de La Presle à son Conseil d’administration risque d’être en contradiction avec vos propos, et de nuire à l’intérêt des anciens harkis et de leurs familles.
Ainsi, au cours de l’assemblée générale de l’ASAF (Association de Soutien à l’Armée Française) de mai 2008, Bertrand de La Presle indiquait, concernant la Fondation, qu’en tant que vice-président de l'UBFT (Union des Blessés de la Face et la Tête), il avait été « sollicité par le gouvernement ». Le compte rendu de l’assemblée générale poursuit : « Il demande en échange que ces deux associations y tiennent une place prépondérante, aient leur mot à dire dans le choix des historiens, français et algériens, appelés à participer aux travaux de la Fondation et en labélisent les publications afin de garantir leur objectivité. »
Bertrand de la Presle récidive lors de l’assemblée générale de l’ASAF en mai 2010 ; il déclare : « (…) « les Gueules cassées ont accepté de participer au financement de cette association aux côtés du Souvenir français et de la Fédération Maginot. Mais ces associations qui auront donc 6 administrateurs disposeront d’une capacité réelle d’influer pour contribuer à instaurer la vérité. La FNACA n’est pas impliquée dans ce processus. »
L’association Harkis et Droits de l’Homme s’élève contre une volonté de censure du travail réalisé par la Fondation et par les historiens qui intégreraient son Conseil scientifique.
Comment, dans ces conditions, laisser croire aux harkis et à leur famille que les travaux issus de la Fondation seront crédibles et que la Fondation sera ouverte à tous ? Quel déshonneur, alors, de voir des travaux publiés, que l’on pourrait apprécier pour leur contenu, alors même que le soupçon pèsera lourd chez leurs détracteurs éventuels ? Comment ne pas penser à un système qu’on croyait révolu au sein de la République, où le blocage, voire le trucage, permettent d’aboutir au résultat voulu ? Monsieur Falco, nous ne sommes plus dans l’Algérie coloniale, où la falsification des élections permettait de conserver un statuquo confortable pour certains.
Comment, dans ces conditions, trouver des historiens pour le Conseill scientifique de la Fondation ? Seul un ancien général, qui se déclare historien, pourrait accepter de participer à un tel simulacre…
Vous avez dit le 19 octobre dernier :
- « (…) il est une chose que je veux garantir, parce que c'est la chose qui me semble la plus nécessaire à la crédibilité de la Fondation : votre indépendance (…) j'ai bien conscience de vous confier une lourde et grave tâche. Je voudrais vous remercier de l'avoir acceptée. Je sais que vous la mènerez à bien avec justice, indépendance et dans le souci de la vérité. ». Monsieur Falco, pour la justice, l’indépendance et le souci de vérité, vous faites preuve de naïveté.
- « C'est à vous qu'il reviendra également de choisir les membres du Conseil scientifique. Vous nommerez les chercheurs qui vous sembleront le plus à même d'apporter leur pierre singulière à l'édifice de la mémoire (…) Vous ne vous arrêterez, pour les choisir, ni à leurs idées ni à leurs thèses, ni même à leur nationalité. Ils seront français, anglais, américains, allemands et même, si vous le souhaitez, algériens ». Propos louables, mais qu’en pense Bertrand de la Presle ?
- « La Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie n'est pas le lieu d'une mémoire exclusive.Elle n'est pas le lieu d'une vérité unique.(…) C'est l'échange des points de vue et la confrontation des idées qui nous permettent d'approcher la vérité. Les préjugés, les idées toutes faites et le repli sur soi nous en éloignent toujours ». Comment croire que cela sera le cas ?
Déjà, l’association Harkis et Droits de l’Homme s’était inquiétée de voir des militaires gérer la Fondation, avec parmi eux, de surcroit, des signataires d’un manifeste « affirmant que ce qui a caractérisé l’action de l’armée en Algérie, ce fut d’abord la lutte contre toutes les formes de torture ».
De plus, aujourd’hui, nous constatons que ce même général, Bertrand de la Presle, membre du Conseil d’administration de la Fondation, est également membre de l’Association de Soutien à l’Armée Française, association dont l’article 2 de ses statuts stipule qu’elle a pour objet « d'agir en faveur des intérêts moraux, matériels et sociaux de ceux qui servent ou ont servi dans l'Armée française, de défendre les intérêts moraux et l'honneur des anciens combattants (…) ». S’il s’agissait d’évoquer les activités d’un responsable politique, nous dirions, à tout le moins, qu’il y a un risque de conflit d’intérêt.
L’Armée est une institution respectable dans un pays démocratique quand elle ne s’égare pas dans des pratiques qui la discréditent aux yeux de la nation, pratiques qui ne sont toujours pas reconnues par ceux qui ont décidé de la défendre à tout prix, enlevant tout crédit à leurs propos.
En ce qui concerne les harkis, nous attendons une institution qui, par son indépendance, rende crédible ses travaux aux yeux de tous, en particulier les Français et les Algériens. Les décisions prises concernant le démarrage de la Fondation ne vont pas dans ce sens. Un des premiers signes encourageants serait de retirer Bertrand de la Presle de la Fondation. Monsieur le secrétaire d’Etat, nous attendons.