Pétition « Non à un hommage officiel au général Bigeard »
A l'approche du 50e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, beaucoup d'anciens appelés sont choqués par toutes les tentatives du pouvoir actuel visant à travestir l'Histoire et à faire passer pour des héros ceux qui complotèrent en avril 1961 pour abattre la République ou ceux qui, comme Bigeard, employèrent les moyens les plus abjects pour « maintenir l'ordre » en Algérie, n'hésitant pas à justifier l'emploi de la torture. En juillet 2000, il affirme que la torture était un « mal nécessaire », ajoutant qu'il s'agissait d'une « mission donnée par le pouvoir politique ».
Le secrétaire général de la préfecture d'Alger chargé de la police, Paul Teitgen, témoignait : « Bigeard, le courageux Bigeard, arrêtait quelqu'un, lui mettait les pieds dans une cuvette, y faisait couler du ciment à prise rapide et le précipitait en mer du haut d'un hélicoptère. » En mars 1957 un autre général, Jacques de la Bollardière, condamné à mort par le régime de Vichy pour avoir rejoint les Forces françaises libres, quittait l'armée, opposé à la torture et soutenant la presse qui la dénonçait. Dans une lettre publique à JJSS, rédacteur en chef de l'Express, lettre qui lui vaudra 60 jours d'arrêt en forteresse militaire, il affirme : « Je pense qu'il était hautement souhaitable (…) que vous fassiez votre métier de journaliste en soulignant à l'opinion publique les aspects dramatiques de la guerre révolutionnaire à laquelle nous faisions face, et l'effroyable danger qu'il y aurait pour nous à perdre de vue, sous le prétexte fallacieux de l'efficacité immédiate, les valeurs morales qui seules ont fait jusqu'à maintenant la grandeur de notre civilisation et de notre Armée ».
Ce 28 novembre 2011, Nicolas Sarkozy a promu grand-croix de la Légion d'honneur l'ancien putschiste Denoix de Saint Marc, militant d'une OAS qui tenta d'assassiner le général de Gaulle alors président de la République. Le 29 novembre 2011 le ministre de la Défense, Gérard Longuet, ancien militant du groupe d'extrême droite Occident, propose de mettre les cendres de Bigeard aux Invalides pour lui rendre hommage. Un hommage intolérable... Peu de temps auparavant, un monument à la mémoire de l'OAS était érigé à Marignane, le tout dans la suite de la loi du 23 février 2005 qui prescrit d’enseigner le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord et dans le climat d'amnésie concernant le massacre du 17 octobre 1961.
Ainsi, Nicolas Sarkozy et son gouvernement mettent en lumière et en valeur des militaires au passé plus que douteux et laissent dans l'ombre un homme exemplaire comme le fut Jacques de la Bollardière. Nul n'est dupe de ce racolage sur le terrain de l'extrême droite.
NON À UN HOMMAGE OFFICIEL AU GÉNÉRAL BIGEARD
De son vivant, le général Bigeard a toujours bénéficié de l’admiration des forces politiques les plus réactionnaires et de leur soutien actif. Et voici qu’une année après sa mort, il est de nouveau utilisé pour une manœuvre politicienne, orchestrée par le ministre de la Défense, dont le passé d’extrême droite est connu : le transfert aux Invalides de ses cendres.
Cette initiative est doublement pernicieuse.
D’une part, il y a une certaine indécence à mettre Bigeard au rang d’autres grands militaires qui y reposent, parfois depuis des siècles. On peut avoir des analyses critiques sur tel ou tel d’entre eux, mais beaucoup mirent leur génie au service de la défense du territoire français.
D’autre part, et surtout, une telle initiative serait une insulte à divers peuples qui acquirent au prix fort, naguère, leur indépendance. Ces pays sont libres depuis des décennies, ils ont le plus souvent des relations cordiales avec le nôtre. A-t-on pensé un instant quel signal le gouvernement français s’apprête à leur envoyer ? Est-ce du mépris à l’état pur ou de l’inconscience ?
On nous présente cet officier comme un héros des temps modernes, un modèle d’abnégation et de courage. Or, il a été un acteur de premier plan des guerres coloniales, un « baroudeur » sans principes, utilisant des méthodes souvent ignobles. En Indochine et en Algérie, il a laissé aux peuples, aux patriotes qu’il a combattus, aux prisonniers qu’il a « interrogés », de douloureux souvenirs. Aujourd’hui encore, dans bien des familles vietnamiennes et algériennes, qui pleurent toujours leurs morts, ou dont certains membres portent encore dans leur chair les plaies du passé, le nom de Bigeard sonne comme synonyme des pratiques les plus détestables de l’armée française.
Nous n’acceptons pas que la notion d’héroïsme soit liée à l’histoire de cet homme. Lors des guerres coloniales conduites par la France, les vrais héros étaient ceux qui, dans les pays colonisés, luttaient pour la liberté et l’indépendance de leurs peuples, ceux qui, en métropole, ont eu la lucidité de dénoncer ces conflits, si manifestement contraires au droit international, au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et à l’intérêt même de la nation française.
L’objectif aurait été de réveiller les guerres mémorielles que les manipulateurs à l’origine de cette initiative ne s’y seraient pas pris autrement.
Nous exigeons que le gouvernement français renonce à cette initiative historiquement infondée, politiquement dangereuse et humainement scandaleuse.
Pour signer cet appel veuillez vous connecter à l’adresse : http://www.nonabigeardauxinvalides.net/