Le 5 juillet 2012 l’Algérie va fêter le 50ème anniversaire de son indépendance
Samedi 26 mai 2012, par Henri POUILLOT // 50ème Anniversaire de la fin de la Guerre d’Algérie
Objet : Lettre ouverte du 26 Mai 2012
Monsieur le Président,
Le 5 juillet 2012 l’Algérie va fêter le 50ème anniversaire de son indépendance
A cette occasion la France se devrait de reconnaitre sa responsabilité et condamner les crimes d’État et crimes contre l’Humanité commis en son nom pendant sa domination coloniale et tout particulièrement pendant la guerre d’Algérie
Lors de votre discours du 15 mai 2012, en hommage à Jules Ferry, la condamnation de cet homme pour sa responsabilité ("En saluant aujourd’hui la mémoire de Jules FERRY, je n’ignore rien de certains de ses égarements politiques. Sa défense de la colonisation fut une faute morale et politique. Elle doit, à ce titre, être condamnée.") est, certes positive, mais reste insuffisante. La politique coloniale de la France n’a pas été seulement la "faute" de quelques hommes, mais bien celle d’un état, et pour cela, elle doit donc être condamnée par les plus hautes autorités de notre pays. En effet le colonialisme et le racisme se sont toujours confondus, sous prétexte d’apporter "La Civilisation". On a constaté :
la mise en cause de la culture,
la mise en place d’une société à deux vitesses où les autochtones (les indigènes) furent considérés comme des sous citoyens, humilités, maltraités…
des répressions massives face à la moindre velléité de révolte
le pillage des richesses locales au profit des colonisateurs et des oligarchies financières qui contrôlèrent la vie économique et politique des colonies. Pour ces raisons le colonialisme ne peut être considéré que comme un crime contre l’Humanité.
La France s’honorerait donc, à l’occasion de cette fête devant commémorer le 50ème anniversaire de son Indépendance, si ses plus hautes autorités faisaient enfin ce geste tant attendu en Algérie : la reconnaissance et la condamnation de la responsabilité de notre pays lors de sa politique coloniale :
les crimes d’État commis par la Police sous les ordres du Préfet de Police de Paris Maurice Papon, le Ministre de l’Intérieur Roger Frey, le Premier Ministre Michel Debré, sous la responsabilité du Président de la République le Général De Gaulle que sont :
· le massacre du 17 octobre 1961 à Paris où des centaines d’Algériens ont été tués, noyés parce qu’ils s’opposaient à un couvre-feu raciste et réclamaient la "Paix en Algérie"
· le massacre du 8 février 1962 au Métro Charonne à Paris de 9 militants qui manifestaient contre les attentats de l’OAS et pour la Paix en Algérie
les crimes contre l’humanité que sont :
· Les enfumades (enfermement d’indigènes dans des grottes dans lesquelles un feu était allumé provoquant leur asphyxie)
· Les viols, les tortures
· Les exécutions sommaires : les corvées de bois (scénario d’une fausse tentative d’évasion lors d’une pseudo "corvée de ramassage de bois"), les "crevettes Bigeard" (cette initiative consistant à larguer d’un avion ou hélicoptère un condamné “sans jugement” dans la mer, les pieds scellés dans un bloc de béton - cette technique exportée par les Aussaresses et consorts pour éliminer les 30.000 argentins disparus, pleurés par les Folles de la Place de Mai)…
· les villages rasés au napalm
· les camps d’internement pudiquement appelés "centres de regroupement"
· …
Pour apaiser enfin les douleurs de toutes les victimes, de celles de leurs familles,… il est indispensable de définir les responsabilités, les culpabilités.
La Mer Méditerranée sépare de nombreuses familles françaises, algériennes, franco-algériennes. L’histoire commune de nos deux pays a tissé de nombreux liens de sang. Les visas d’échanges ne devraient être que de simples formalités, accordés simplement.
Il est temps que ce passé soit pris en compte et qu’une coopération se développe sur les plans : culturels, économiques (pas sur une base colonialiste, mais réciproquement avantageuse), scientifique… Les archives devraient être ouvertes largement pour élaborer une histoire établie sur une réalité historique avérée, pas sur des rancœurs ou des falsifications…
Un réel traité d’amitié entre nos deux peuples devrait être élaboré rapidement.
Pour le 5 juillet prochain, de tels gestes seraient le meilleur cadeau d’anniversaire pour nos deux pays : réparer les graves erreurs du passé, rendre à la France son crédit de "Pays des Droits de l’Homme", redorer les vraies valeurs républicaines de notre pays, jeter des ponts de fraternité pour relier les deux rives de la Mer Méditerranée.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, mes plus respectueuses salutations.
Henri POUILLOT
Copie à Jean-Marc AYRAULT Premier Ministre
P.-S.
Témoin de la Guerre d’Algérie, militant anticolonialiste, antiraciste je participe à l’animation de collectifs œuvrant depuis de nombreuses années pour la mémoire, pour l’amitié entre les peuples, et tout particulièrement envers l’Algérie. Même si c’est à titre personnel que j’effectue cette démarche, sachez Monsieur le Président, qu’elle est largement partagée. D’ailleurs une pétition publiée sur mon site, reprenant cette base, avait recueillie plusieurs dizaines de signatures.
Copie a été adressée à Jean-Marc AYRAULT Premier Ministre