La stèle de Marignane ou l’apologie du crime
par David Coquille, La Marseillaise,
le 16 novembre 2011
Un cimetière ne saurait être une tribune. Dans un arrêt à graver dans le marbre, le Conseil d’Etat tranche sans ambiguïté dans l’interminable polémique sur l’installation, l’enlèvement et le retour récent d’un monument commémoratif de l’OAS à Marignane.
Les juges administratifs délivrent une implacable leçon de droit - et finalement de morale - aux instigateurs de cette stèle outrageante, à savoir les maires successifs de Marignane et l’association de nostalgiques de l’Algérie française, bénéficiaire de l’arrêté municipal illégal.
« Une prise de position politique »
« Cette stèle ne constituait pas un simple monument commémoratif à la mémoire de personnes défuntes mais manifestait une prise de position politique et procédait à l’apologie de faits criminels », peut-on lire dans l’arrêt rendu lundi par la haute juridiction administrative de la République française qui, espère-t-on enterre, ainsi ce monument révisionniste sans gloire.
Le Conseil d’Etat rappelle que cette stèle dédiée aux « combattants tombés pour que vive l’Algérie Française » comportait les dates d’exécution des auteurs de plusieurs assassinats ou tentatives d’assassinats. Soutenu par Ras l’Front Vitrolles-Marignane, Jean-François Gavoury, le fils du commissaire Roger Gavoury, poignardé à Alger par des activistes de l’OAS auxquels la stèle rend hommage, avait porté l’affaire en justice et obtenu son enlèvement sous astreinte.
Laminée par le Conseil d’Etat, l’Association amicale pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l’Algérie française (ADIMAD) essuie un nouveau camouflet après avoir été déboutée à trois reprises : par le tribunal administratif de Marseille en juillet 2008, en référé en juillet 2009, par la cour administrative d’appel de Marseille en avril 2010.
« De nature à entraîner des troubles à l’ordre public »
Cette officine basée à Hyères avait obtenu en 2005 du maire FN de Marignane un arrêté lui concédant pour 196 euros un emplacement du domaine public pour quinze ans dans le cimetière Saint-Laurent-Imbert.
L’arrêt n’épargne pas la commune de Marignane et l’ex-équipe municipale du Front national conduite par Daniel Simonpieri passé au MNR avant d’être recyclé par l’UMP – il vient d’ailleurs d’être condamné en correctionnelle à Aix à un an de prison avec sursis et 5 ans d’inéligibilité pour des travaux municipaux réalisés dans sa villa... « En délivrant l’autorisation d’occuper pendant quinze ans un emplacement dans le cimetière en vue d’y installer cette stèle, le maire a autorisé l’occupation du domaine public communal pour un usage qui, d’une part, n’était pas compatible avec la destination normale d’un cimetière et, d’autre part, était de nature à entraîner des troubles à l’ordre public. » En effet « le maire de Marignane ne pouvait ignorer la teneur exacte du monument projeté (…) analogue (…) à d’autre stèles déjà érigées au prix de vives contestations des communes proches ».
La commune, responsable d’une faute
Cette « illégalité » évidente de l’arrêté de 2005 « constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune », poursuit le Conseil d’Etat dont la décision augure du sort qui devra être fait au nouvel arrêté du 27 octobre 2010, signé celui-là par l’actuel maire Eric Le Dissès (UMP) et qui a autorisé avant les cantonales le retour du totem dans son cimetière, retour effectif depuis le 11 mars 2011. Le préfet l’a d’ailleurs déféré à la censure du tribunal administratif.
Faisant litière aux demandes d’indemnisation de l’ADIMAD, le Conseil d’Etat rejette le remboursement du prix du monument de marbre (8.200 euros) installé le 6 juillet 2005 et enlevé par décision judiciaire le 17 novembre 2008. « Le coût de réalisation de cette stèle n’est pas un préjudice indemnisable. », tranchent les juges qui ne mettent à la charge du contribuable marignanais que le coût de sa pose, soit 3.000 euros.
Le Conseil d’Etat déboute même l’ADIMAD de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice moral qu’elle prétendait tirer des « commentaires critiques » émis à son égard dans la presse ! Et pour finir, il lui restera à verser 4.000 euros à Jean-François Gavoury le fils du commissaire dont la stèle profanait la mémoire.
Avertissement : cette photo n'a pas été diffusée par La Marseillaise
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http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article4715
NOTE DE LA LIGUE DES DROITS DE L'HOMME
DE TOULON
On notera que cet arrêt du Conseil d’État ne concerne que la première version de la stèle qui avait été installée le 5 juillet 2005, (voir cette page), et retirée le 18 novembre 2008 (voir : cette page).
Une seconde version de cette stèle installée le 11 mars 2011 (voir cette page) reste en place. Pour cette dernière, un contentieux est en cours devant le Tribunal administratif de Marseille. Le feuilleton judiciaire n’est donc pas terminé...
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