Pour le 71e anniversaire du Premier Conseil national de la Résistance, l'administration préfectorale de Saône-et-Loire a rendu un hommage aussi émouvant qu'inédit à Jean Moulin qui, à la demande du Général De Gaulle, s'était posé à Melay, dans le Sud du département, pour venir unifier et mettre en ordre de combat la résistance dont l'action allait être primordiale pour gagner la seconde guerre mondiale et vaincre le nazisme.
Il est rare de voir le Préfet se rendre à une cérémonie entouré de tous les Sous-Préfets de son département, de son directeur de cabinet et de la secrétaire générale de la Préfecture. C'est ce qui s'est pourtant passé, ce mardi 27 Mai à Melay, dans le Sud du département de Saône-et-Loire. Pour être juste, un seul sous-préfet manquait à l'appel. Celui de Louhans, mais pour la simple et bonne raison qu'elle ou qu'il n'a pas été nommé.
Fabien Sudry, préfet de Saône-et-Loire avait donc emmené avec lui Catherine Séguin, secrétaire générale de la Préfecture, Richard-Daniel Boisson, sous préfet d'Autun, Françis Cloris, sous-préfet de Chalon-sur-Saône, Philippe Saffrey, sous-préfet de Charolles, et Xavier Czerwinski, son directeur de cabinet.
Un hommage hautement préfectoral
en mémoire du plus jeune Préfet de France
Ces représentants de l'Etat en Saône-et-Loire se sont donc rassemblés pour rendre un hommage XXXL à Jean Moulin, héros de la résistance et qui a été, avant la deuxième guerre mondiale, le plus jeune Préfet de France.
Objet de cet hommage préfectoral : Ce mardi 27 Mai marquait le 71e anniversaire de la création du Premier Conseil National de la Résistance. C'était à Paris. Mais pour le créer, il avait fallu que Jean Moulin revienne en France. Sur décision du Général De Gaulle, c'est ce que le jeune Préfet avait fait. Et c'est à Melay, dans le Sud de Saône-et-Loire, que son Lysander anglais s'était posé, en bord de Loire, avec à son bord Jean Moulin, Christian Pineau et le Général Delestrait.
C'était en mars 1943 et deux mois plus tard, à Paris, Jean Moulin accomplissait sa mission, celle d'unifier les résistants face à l'occupant allemand. Ce qui allait être le premier acte de la reconquête de la liberté dans l'hexagone. Cela avant que Jean Moulin connaisse un bien cruel destin, en étant torturé jusqu'à la mort.
Les élèves du Collège Jean Moulin de Marcigny
ont lu des lettres de martyrs de la Résistance
Personne ne savait que c'était
Jean Moulin qui s'était posé...
René Ferrier, originaire de Melay, est le dernier survivant à avoir vu l'avion de Jean Moulin se poser de nuit. «On ne savait pas qu'il y avait un avion qui allait atterrir de nuit. Je me souviens avoir entendu le bruit, être sorti de ma maison, avoir vu des lampes au sol. J'ai vu l'avion se poser, mais je n'ai pas pu m'approcher, car il y avait le canal qui nous séparait. C'est au moins dix à vingt ans plus tard, que l'on a appris que c'est Jean Moulin qui s'était posé à Melay», explique René Ferrier, 91 ans, qui a été épicier à Briennon dans la Loire, au bord du Canal qui va de Roanne à Digoin en suivant la Loire.
Ce canal, comme le plus long fleuve de France ont été évoqués par Jean-Claude Ducarre, le Maire de Melay, qui a expliqué que c'est le reflet de la lune dans la Loire et dans le Canal qui avaient permis de guider l'avion.
Avant de tenir son discours d'accueil, Jean-Claude Ducarre avait laissé le soin à des élèves du Collège Jean Moulin de Marcigny de «saisir» l'assemblée et les invités, avec la lecture de lettres d'adieu, signées par victimes des nazis, tous morts exécutés.
En ces temps agités avec les répliques sismiques du scrutin des Européennes, la cérémonie de ce mardi 27 Mai avait forcément valeur de symbole (s).
«Outre Jean Moulin, nous honorons aussi les petits qui ont permis d'écrire l'histoire avec un grand H». Il cita ainsi la famille Robin déportée parce qu'elle avait permis l'atterrissage de l'avion amenant Jean Moulin».
«Qu'avons nous fait du programme
du Conseil National de la Résistance ?»
En faisant de façon très claire à ce qui, aujourd'hui, agite, perturbe, notre démocratie, le Maire de Melay a voulu interpeller les consciences : «Qu'avons nous fait de la résistance du programme du conseil national de la résistance», a-t-il demandé, avec beaucoup de gravité dans la voix.
Jean-Claude Ducarre le Maire de Melay
Il laissa ensuite la parole à Fabien Sudry . La cérémonie s'est ensuite terminée avec le Chant des Partisans, l'hymne anglais et la Marseillaise.
Les élèves du Collège Jean Moulin de Montceau
sont engagés dans la réhabilitation d'une Traction
Cela avant qu'un chèque de 300 euros soit donné aux élèves du Collège Jean Moulin de Montceau qui ont entrepris de restaurer une Citroën Traction qui aura vocation à être une «vitrine itinérante» des valeurs de la résistance qui étaient portées par Jean Moulin.
Ces valeurs ont besoin d'être réhabilitées et remises au goût du jour. En ce sens, en dépit des excuses circonstanciées, on peut regretter qu'aucun parlementaire ne se soit rendu à la cérémonie de Melay. Certes ce n'était pas la première. Certes ce n'était pas la dernière dans cette terre du Brionnais qui gagne à être connue autant que ses églises romanes.
Mais en cette période tourmentée, rendre hommage à ce qui a été le point de départ de l'unification de la résistance au service de la reconquête de la liberté de la France, méritaient sans doute que quelques heures soient consacrées.
Fabien Sudry : «Jean Moulin c'est l'image
du courage et de la dignité sauvegardée»
"En ce jour anniversaire du 1er Conseil de la Résistance (CNR), il semblait comme une évidence de rendre hommage à Jean Moulin. Et cela d'autant plus ici, à Melay, où une stèle nous rappelle que dans la nuit du 19 au 20 mars 1943, Jean Moulin atterrissait pour mener à bien sa mission de coordination des réseaux de Résistance en France. Nous avons voulu rendre un hommage solennel, tous les sous-préfet du département et moi-même sommes en uniforme car Jean Moulin ne peut laisser indifférent aucun serviteur de l'Etat. Car la grandeur de son parcours en fait quelqu'un d'exceptionnel.
Jean Moulin c'est tout d'abord un exemple du sens élevé de l'Etat ; après ses études de Droit, il entre dans les cabinets ministériels, notamment au Ministère de l'Intérieur avant de devenir sous-préfet d'Albertville en 1922. En 1937, il est nommé Préfet de l'Aveyron et devient le plus jeune préfet de France. C'est en 1939 qu'il devient Préfet de l'Eure-et-Loir où il sera en poste jusqu'à la guerre.
Jean Moulin c'est aussi un modèle de patriote ardent ; en juin 1940 alors que le gouvernement est absent, la situation précaire, les lois plus respectées, Jean Moulin multiplie les appels pour ne pas fuir le pays. Le 17 juin quand 2 soldats allemands pénètrent dans la préfecture de Chartres, Jean Moulin les fait patienter, refuse de les recevoir avant d'avoir enfilé son uniforme de préfet. Il refusera de signer un document humiliant pour lui car sa signature, c'est aussi celle de la France. Il sera emprisonné dans des conditions difficiles mais refusera toujours de signer avant de tenter de mettre fin à ses jours. Il s'en sort en relevant la tête et en décidant de s'opposer toujours au nazisme.
Jean Moulin, c'est également l'unificateur de la Résistance française en zone libre (sud du pays jusqu'en novembre 1942). C'est ainsi qu'en août 1941, il quitte la France pour rejoindre le Général de Gaulle à Londres. C'est le 1er janvier 1942 qu'il sera parachuté dans les Alpilles pour rencontrer tous les acteurs et les différents réseaux de résistance en métropole. Et Jean Moulin a réussi à unifier tous les groupes épars de Résistance et présidera la toute première réunion du Conseil National de la Résistance en 1943.
Jean Moulin, c'est l'image du courage et de la dignité sauvegardée. On connaît tous son arrestation et son martyre à Lyon. En dépit de toutes les tortures qu'il subira, il ne parlera pas. Jean Moulin incarne un sens élevé de l'Etat, il a fait preuve de courage et il a défendu une certaine idée de l'Etat. À travers son parcours exceptionnel, il n'a eu comme unique priorité le service loyal et permanent de l'Etat.
Il représente l'Idéal de notre métier au service des citoyens".
Le Préfet Fabien Sudry dépose une gerbe sur la stèle
qui rappelle que Jean Moulin s'est posé à Melay
«Qu'avons nous fait du programme
du Conseil National de la Résistance ?»